L’Anarchie n°3
Le octobre 2001
A la télé on nous martèle qu’on a la chance de vivre dans le pays des droits de l’homme. Mais sommes nous vraiment en démocratie ? Est-ce que tout le monde participe de manière égale aux décisions importantes qui concernent sa vie ? Avez vous eu votre mot à dire lorsqu’il a été décidé de consacrer 300 milliards de francs à l’armement, de fermer un hôpital, une usine, ou une maternelle ? Est-ce que vous avez élu votre patron ? En regardant de près on se rend compte que la plupart des choix importants sont pris à hui-clos par des gens qui n’ont de comptes à rendre à personne. Que ce soit des hauts fonctionnaires au gouvernement, ou des haut-cadres dans les entreprises, on décide sans nous.
Une entreprise c’est comme l’armée : Il y a une hiérarchie écrasante, et ceux d’en bas n’ont qu’à obéir. Ceux d’en haut sont les vrais détenteurs du pouvoir. C’est eux qui décident pour nous, dans leurs intérêts : leur argent, leur pouvoir. L’addition de toutes ces décisions, qui obéissent à la même logique d’entreprise, aboutissent à des choix de société en dehors de tout contrôle.
Les politiciens nous promettent à chaque élection un capitalisme sans « excès ». Mais, même s’ils le voulaient réellement, ils n’ont que le pouvoir que les milieux économiques veulent bien leur accorder. Et pourquoi voudraient-ils s’attaquer au pouvoir de l’argent ? Ces politiciens de carrière vivent dans le même monde que les patrons, ils sortent des mêmes écoles, ils ont la même vision du monde. Ils font partie de la même « élite », et ils en profitent autant. C’est ainsi que l’on retrouve les mêmes personnes successivement hauts cadres dans le privé puis hauts fonctionnaires.
« Pouvoir » signifie qu’on décide à votre place. Le souhaitez-vous ? Plus le pouvoir est concentré, moins vous pouvez le contrôler ... et plus les décisions se feront à vos dépens dans l’intérêt d’une minorité. L’Etat, les entreprise les marchés financiers, les riches, tous sont des pouvoirs : tous sont illégitimes. En tant qu’anarchistes nous voulons une société réellement démocratique, dans laquelle tout le monde participe de manière égale aux décisions qui le concernent. Et cette société ne peut pas être construite sans chacun d’entre nous.
80% de la planète vit dans la misère. Les inégalités se creusent, les 10 personnes les plus riches ont autant d’argent que la production totale des 50 pays les plus pauvres. Et dans nos pays « riches » chômage, précarité, et bas salaires se multiplient. Vache folle, OGM, nucléaire, armement : les puissants risquent nos vies pour leur argent. L’utopie, c’est de rester tranquillement dans son coin en espérant qu’on y réchappera. Nous pensons qu’un système juste est possible, mais nous ne pouvons pas, et nous ne voulons pas, le construire à votre place.
Pour changer de système, il nous faut d’abord chercher à le comprendre. Il nous faut remettre en cause tous les schémas qui nous sont martelés par notre éducation et par les médias. Il nous faut refuser la domination, refuser l’ordre établi, refuser le fatalisme, se remettre en cause. Il faut nous organiser et agir collectivement. Pour construire une autre société, même si nous avons des propositions, ce ne sont pas des solutions toutes faites, car nous ne la construirons pas en imposant notre point de vue : elle devra être construite collectivement.
Des assemblées générales :
Où les personnes concernées par un problème réfléchissent et prennent des décisions à égalité.
Des mandats impératifs :
Au lieu d’élire des gens qui décideront à notre place, des individus seront mandatés par l’assemblée générale pour appliquer les décisions prises par tous.
Des mandatés contrôlables et révocables :
Ces personnes devront rendre des comptes sur l’application des décisions et pourront être remplacés si elles s’acquittent mal de leur tâche
Dans le monde, l’écart entre les 20% plus riches et les 20% plus pauvres est en 1960 de 1 pour 30, en 1991 de 1 pour 61 et en 1994 de 1 pour 78.
Près de 1,7 milliards de personnes vivent avec moins de 7 francs par jour.
Entre 1988 et 1998 le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté a été multiplié par 30.
Être gouverné, c’est être gardé a vue, inspecté, espionné, dirigé, légiféré, réglementé, parqué, endoctriné, prêché, contrôlé, estimé, apprécié, censuré, commandé, par des êtres qui n’ont ni le titre ni la science, ni la vertu ? Être gouverné, c’est à chaque opération, à chaque transaction, à chaque mouvement, noté, enregistré, recensé tarifé, timbré, toisé, coté, cotisé, patenté, licencié, autorisé, apostillé, admonesté, empêché, réformé, redressé, corrigé. C’est sous prétexte d’utilité publique, et au nom de l’intérêt général, être mis à contribution, exercé rançonné, exploité, monopolisé, concussionné, pressuré, mystifié, volé ; puis, à la moindre résistance, au premier mot de plainte, réprimé, amendé, vilipendé vexé traqué, houspillé assommé, désarmé, garrotté, emprisonné, fusillé, mitraillé, jugé, condamné, déporté, sacrifié, vendu trahi, et pour comble, joué berné outragé déshonoré. Voilà le gouvernement, voilà sa justice, voilà sa morale.
Pierre Joseph Proudhon (Idée générale de la révolution au XIXéme siècle, 1851)
Il y a peu d’institutions dans la société humaine qui ont une hiérarchie aussi stricte, et un contrôle aussi concentré au sommet qu’une entreprise. Il n’y est pas question de "ne pas se laisser marcher sur les pieds". Vous y êtes piétiné en permanence.
Noam Chomsky (Keeping the rabble in line)
Le principe de l’autorité, appliqué a des êtres majeurs, devient une monstruosité, une source d’esclavage intellectuel, et de déchéance morale.
Bakounine (Dieu et l’État)
C’est seulement lorsque la contrainte est institutionnalisée en une forme de contrôle social professionnel et systématique - avec le soutient du monopole de la violence - qu’on peut parler d’État.
Murray Bookchin (Une société à refaire, 1992)
La désobéissance est le vrai fondement de la liberté. Les obéissants seront des esclaves.
Henry D. Thoreau (Désobéissance civile, 1847)
Voulez vous rendre impossible l’oppression de l’homme par son prochain ? Alors assurez vous que personne ne possède le pouvoir.
Bakounine
Qu’a t on vu a travers l’histoire ? Que l’Etat a toujours été la propriété d’une classe de privilégiés : les religieux, la noblesse, la bourgeoisie — et puis finalement, quand les autres classes se sont épuisées, la classe de bureaucratique entre en scène et l’Etat [...] atteint le niveau d’une machine.
Bakounine