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Retraites

Rien n’est perdu… Tout est à gagner !

Le lundi 5 mai 2003

Peu importent les termes employés : retraites par capitalisation, épargnes retraites, épargnes salariales. Ils n’ont qu’une fonction, nous faire avaliser la privatisation des régimes de retraite grâce aux fonds de pension.
Les fonds de pension ne nous protègent pas contre les chocs démographiques. Aucune projection ne fait apparaître de choc. La notion de choc n’est qu’un argument pour justifier la création de fonds de pension. Représentant 15% de la population en 1995, les personnes âgées de plus de 65 ans seront 16,5% en 2005, 18,5% en 2015 et 27% en 2040. Cette courbe représente une évolution régulière. En sachant que l’on ne peut savoir ce qu’il en sera réellement de la démographie française en 2040 !

Jouer sa retraite en bourse

En tout état de cause, c’est plutôt le nombre global d’actifs (salariés et chômeurs) qu’il faut comparer au nombre global d’inactifs. La question que l’on doit se poser est celle de l’équilibre à obtenir entre deux masses financières : ce qui est prélevé à un moment sur la richesse produite, et ce qui doit être versé aux retraités en même temps.
La majorité des observateurs économiques de bonne foi prévoit que la génération du baby-boom a de grands risques d’être piégée par une chute des prix des actifs financiers qu’elle aura accumulés dans les fonds de pensions.
En effet, lorsque la génération du baby-boom commencera à prendre sa retraite, d’ici dix à vingt ans, elle vendra en masse ses avoirs financiers pour financer sa retraite. A l’inverse, les achats de titres seront, au même moment, moins importants, puisque les nouvelles générations d’actifs entrant dans le système de fonds de pension seront moins nombreuses. Conséquence, le cours des titres financiers chutera, et les nouveaux retraités risquent fort de recevoir moins que ce qu’ils auront versé.

Salaires en baisse et syndicalisme éliminé

Les fonds de pension pèsent sur les salaires car ils demandent une rentabilité immédiate ; or la hausse de la valeur boursière s’obtient en faisant pression sur l’emploi et les rémunérations des salariés. Pour faire simple, le salarié actionnaire qui se met lui-même à la porte augmente la valeur de ses actions et donc sa fortune.
L’enseignement de l’histoire et des expériences étrangères nous apprennent que les retraites par capitalisation sont menacées par deux « fléaux » : l’inflation et les krachs financiers (Enron, WorldCom en 2002). Ce n’est pas à la Bourse que l’on fabrique des pneus comme disent les travailleurs de Michelin !

L’actionnariat salarié

Les salariés n’ont aucun droits sur les capitaux qu’ils détiennent. L’entreprise fait croire qu’elle est aux mains de ses salariés. En moyenne, la part de capital détenu par les salariés dans des groupes privatisés représente environ 3%. Que l’on se rassure, le travailleur n’a pas pris le pouvoir dans son entreprise. L’actionnariat salarié est un excellent moyen de réduire, en apparence, l’opposition entre le capital et le travail et d’obtenir une certaine paix sociale. Vendre une poignée d’action à ses employés, c’est le moyen pour le patron de persuader ses employés que leurs profits seront proportionnels à leur docilité (France Télécom démontre le danger de l’actionnariat salarié en 2002 !).
Si nous ne réagissons pas, le régime par capitalisation va en fait cannibaliser le régime par répartition en réduisant les ressources de ce dernier (exonérations fiscales et de cotisations sociales, réductions de la part des salaires dans la valeur ajoutée par les entreprises pour assurer un versement maximal de dividendes aux fonds de pensions).

Pour une alternative

Un système par répartition libertaire pour quoi faire ?
- Parce qu’il définit l’être humain en tenant compte, entre autres, de tous ses échanges au sein de la collectivité/société : travailleur / producteur, usager / consommateur mais aussi dans la globalité de ses besoins, désirs et de sa liberté tout en affirmant la nécessité de l’action collective ;
- Parce qu’il garantit un revenu égal et décent pour vivre à tout être humain, quels que soient les salaires que les exploiteurs lui ont versés ;
- Parce qu’il considère que l’activité, les échanges et interactions, les désirs et besoins d’une personne ne s’arrêtent pas avec la fin de son activité productrice imposée par le système capitaliste ;
- Parce qu’il ne considère pas que c’est l’individu qui est responsable de son « chômage » et qu’il existe des activités sociales utiles non rétribuées par le système capitaliste ;
- Parce qu’il est un outil d ’émancipation pour les êtres humains, au sens où il ne dépend pas des classes dominantes et de l’Etat, mais qu’il est une œuvre sociale des travailleurs ;
- Parce qu’il est un lieu d’éducation à l’autogestion et à la concrétisation des solidarités.

Egalitaire

Egal accès pour tous les êtres humains aux droits à la retraite. Egalité des montants pour toutes et tous. Egalité des droits de participation aux décisions pour tous et toutes.

Autogestionnaire

Il est une œuvre sociale collective gérée directement par les intéressés eux-mêmes selon les principes de la démocratie directe.
Autonomie et indépendance face aux classes dominantes et à l’Etat mais aussi vis-à-vis des organisations religieuses, politiques et syndicales.
Il est un lieu d’éducation à la solidarité, à l’action, à la gestion de la société par la démocratie directe : il incite les personnes à participer à son développement, à ses décisions. Il organise des formations accessibles à tous et à toutes sur son fonc-tionnement. Il incite au partage et à la rotation des tâches. Il associe l’activité manuelle et l’activité intellectuelle dans ses mandats en valorisant autant l’une que l’autre.
C’est un organisme transparent qui produit ses propres statistiques et recensements accessibles à tous et à toutes ainsi qu’un un bilan d’activité annuel.

Solidaire

Il assure, en lien avec un système de sécurité sociale libertaire, une protection et un revenu à la personne tout au long de sa vie face aux aléas de la maladie, des accidents et du capitalisme (chômage, guerre, exclusion…) tant qu’il existe. Il est accessible à toutes les personnes habitant même provisoirement la zone géographique qu’il couvre, à condition que la personne ne cumule pas avec d’autres droits d’une autre zone géographique un montant supérieur à celui des autres ayants droit, dans ce cas il complète jusqu’à égalité des montants.
Il établit des liens avec les acteurs d’autres zones géographiques pour favoriser l’émergence de systèmes analogues. Le cas échéant, il se fédère avec d’autres systèmes comparables afin d’augmenter ses capacités et de résorber les inégalités entre les peuples inhérentes au système capitaliste.

Une confrontation inéluctable

Au sommet de Barcelone, en mars 2002, les responsables politiques des différents pays composant l’Union Européenne (UE), ont pris l’engagement de reculer l’âge de la retraite de 5 ans d’ici à 2010.
Jospin et Chirac ont signé ensemble ce texte, alors que ces tristes sires, pendant la campagne des présidentielles, clamaient haut et fort qu’ils feraient tout pour préserver le régime des retraites (no comment !).
Toujours est-il, qu’à plus ou moins brève échéance, le gouvernement s’attaquera à ces régimes. Déjà, pour les salariés du privé, le travail est grandement avancé, en particulier avec l’augmentation du nombre d’annuités. Pour l’heure, le gouvernement va remettre en cause les régimes spéciaux des retraites et va aligner celle des fonctionnaires sur celles du privé.

L’exemple de 1995

En 1995, le gouvernement Juppé a eu à affronter un fort mouvement concernant essentiellement les cheminots et d’autres entreprises de transport comme la RATP.
La gauche n’avait pas apporté un grand soutien à cette mobilisation, sachant qu ’elle aurait été confrontée au même problème si elle avait été au pouvoir.
La seule critique « de fond » qu ’elle avait émise à l’encontre de Juppé portait sur sa mauvaise communication ; autrement dit, le Premier ministre ne savait pas faire avaler la pilule ! La CFDT ne fut pas en reste et emboîta le pas du gouvernement d’alors.
Le gouvernement mis en place après les élections législatives ne pourra différer éternellement la question. En effet, il tient compte des exigences de la concurrence internationale, c’est-à-dire, faire en sorte que les conditions d’exploitation soient les plus avantageuses pour les capitalistes du monde entier, afin qu’ils investissent en France et plus largement dans l’UE. Ce contexte conduit nos gouvernants à faire disparaître tous les régimes spéciaux, dont bénéficient principalement les fonctionnaires et certaines catégories d’assimilées (comme les cheminots), le recul de l’âge de la retraite. Dans ce contexte, les directives européennes imposent aux responsables politiques de remettre en cause la retraite par répartition au profit de celle fondée sur la capitalisation. C’est la porte ouverte à la généralisation des fonds de pension !

Reprendre l’offensive

On peut émettre l’hypothèse que de fortes mobilisations s’organiseront, mettant à mal Chirac et consorts. Comment le gouvernement va-t-il aborder le problème ? Pour l’instant, il paraît difficile de discerner l’avenir. Mais il n’en reste pas moins vrai qu’il nous faut revendiquer dans l’immédiat, une retraite égale pour tous. Comment justifier qu’un retraité perçoive une allocation plus importante qu’un autre ? L’écart des revenus entre les retraités est justifié par le montant de leurs cotisations ; autrement dit, plus le salaire d’une personne est important, plus sa retraite l’est : plus on a d’argent plus on en a !
Revendiquer l’égalité des allocations des retraites peut permettre d’ouvrir le débat sur l ’égalité des salaires et remettre ainsi en cause la hiérarchie salariale que l’on connaît dans les corridors de l’exploitation capitaliste.
Il faut en finir avec le calcul des retraites en fonction du nombre d’actifs. Si retraite il doit y avoir, elle doit se fonder sur le partage des richesses et devenir un revenu garanti.

Aller plus loin

Ainsi on en termine avec le débat sur le supposé manque d’actifs dans les années futures ; mieux, on place les retraites au même niveau que la revendication d’un revenu garanti pour tous, revendication portée par le mouvement des chômeurs.
Plus fondamentalement, ce débat doit s’inscrire dans celui portant sur la crise de la valeur travail. En fin de compte, cette lutte sur les retraites ne doit pas nous faire oublier que notre vie ne doit pas être saucissonnée en fonction de notre âge (d’élève/étudiant on devient travailleur pour terminer, dans le meilleur des cas, retraité), laissant aux seuls décideurs le soin d’organiser notre vie en fonction de leurs intérêts.
Car, c’est à nous, travailleurs qui produisons les richesses de décider pour nous. Prenons nos affaire en mains, ne les laissons pas dans celles des patrons, de l’Etat, des banques, des assurances voire de certains syndicats !


De l’amélioration du principe de répartition

Le système actuel des retraites qui permet aux salariés les plus aisés de percevoir les plus grosses pensions, de bénéficier de la solidarité des plus démunis espérance de vie moindre) et de grappiller l’essentiel des fruits de la capitalisation existante, profite essentiellement aux classes moyennes. Et il est évident qu’un peu plus de capitalisation leur profiterait encore plus.

A contrario, la classe ouvrière et tous les petits du salariat feraient tout naturellement les frais d’un surplus de capitalisation dont il est clair qu’il serait financé par une ponction sur la répartition (diminution des charges sociales patronales, exonération fiscale, etc.).

Aussi, conscients du fait que la seule défense du statu quo ouvrirait grandes les portes à encore un peu plus de capitalisation, certains proposent d’améliorer le système actuel de retraite par répartition. C’est ainsi qu’on1 nous proposent de développer l’emploi et de taxer tous les revenus (ceux du travail et les autres).

A l’évidence, en développant le nombre d’emplois on rétablit l’équilibre entre cotisants actifs et pensionnés non actifs. A l’évidence, également, si on taxe les revenus du capital, de la spéculation et de la propriété on augmente encore un peu plus les recettes. A l’évidence !

Reste que vouloir développer les emplois pose la question de savoir comment on va s’y prendre, de quels types d’emplois il s’agit de développer et en quoi cela permet d’échapper à la vérole productiviste et à la folie suicidaire (d’un point de vue écologiste) d’une croissance économique permanente qui fonde ce type de raisonnement !

Pourquoi, en effet, le capitalisme qui ne cesse de supprimer des emplois (en Occident, du moins) se mettrait-il subitement à en créer ? Mais, admettons qu’on l’y contraigne à l’occasion de grands mouvements sociaux. S’agira-t-il de créer des emplois précaires ou des emplois stables ? S’agira-t il de créer des emplois utiles socialement (il en est sûrement plein à inventer) ou des emplois nuisibles (flics, militaires, maçons construisant des prisons ou des centrales nucléaires, ouvriers fabriquant des canons, etc.) ou foncièrement inutiles (contrôleurs SNCF, ouvriers fabriquant la énième nouvelle lessive, petites mains de la bureaucratie ordinaire, etc.) ? S’agira-t-il, au bout du compte, de créer des emplois pour des emplois ? Et jusqu’où ira-t-on comme ça dans cette logique de la fuite en avant qui ne se pose jamais la question du pourquoi, du comment et du sens de cette aberration écologique et sociale que sont le productivisme à tout crin et la croissance économique permanente ?

Reste que vouloir taxer le capital, la spéculation et la propriété pose la question de savoir comment on va s’y prendre et surtout à quoi ça va servir ? Pourquoi, en effet, le capitalisme qui ne cesse de nous taxer, accepterait-il soudainement de passer à la caisse ?
Mais admettons qu’on l’y contraigne à l’occasion de grands mouvements sociaux. S’agira-t-il d’affecter cette manne financière au paiement des salaires et des retraites de flics, de militaires, de maçons construisant des prisons ou des centrales nucléaires, ouvriers fabriquant des canons ou la énième nouvelle lessive à la con, de contrôleurs SNCF, de petites mains de la bureaucratie ordinaire ?

Bref, dans le cadre de la problématique consistant à essayer de sauver le système actuel des retraites par répartition des appétits du capitalisme comme dans d’autres problématiques du même ordre (à propos d’EDF, de la Poste, de l’Education Nationale et autres services publics étatiques du même acabit) la stratégie se résumant à réclamer d’avantages de moyens, si elle est nécessaire, est dramatiquement insuffisante pour vaincre.

En somme, au lieu de partir à reculons et défaitistes, prenons l’offensive ! Ou la répartition, avec d’avantage de moyens saura démontrer qu’elle aura plus de sens, d’égalité, de justice et d’humanité que la capitalisation, ou la défaite !

1. Voir notamment le texte d’Alain Bihr, « La Bourse ou la vie », paru dans la revue A Contre-courant, syndical et politique, n°137 et 138.

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