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Les Anars, des origines à hier soir (1)

EN GUISE D’INTRODUCTION

Le 2000

Une mémoire pour le futur

Depuis quelques années,
leurs drapeaux (noir ou noir et rouge) flottent à nouveau dans les
manifs. Leurs militants sont toujours plus présents dans les luttes
et les mouvements sociaux. Leurs radios, leurs journaux, leurs librairies,
leurs livres, leurs brochures... chahutent les idées en place et
en font naître de nouvelles. Les réunions publiques, conférences,
colloques... qu’ils organisent, dans leurs locaux, se font chaque jour
plus nombreux et passent de moins en moins inaperçus. Leurs organisations
spécifiques, leurs syndicats, les différentes alternatives
qu’ils animent, sortent peu à peu de la confidentialité.

Leur nombre (grandissant),
leur sérieux (jamais dénué d’humour), leur courage
(incontestable), leur intransigeance (énervante), leur manière
d’être (aux antipodes du paraître), leur révolte (permanente),
leurs principes (fascinants), leurs mots d’ordre (radicaux), leurs propositions
(évidentes), leurs rêves (bouleversants)... interpellent jusqu’au
petit monde de la réflexion politique et séduisent même
certains curs purs, las des billevesées de la gauche caviar, de
l’écologie gouvernementale, du communisme à la mémoire
courte, du gauchisme qui lui aussi voudrait sa part du gâteau...

Toujours présents, parfois
à l’initiative, ils se bagarrent, bras dessus bras dessous, avec
toutes les tribus dissidentes qui hissent haut le drapeau de la révolte
contre le capitalisme et ont encore, chevillée au corps, l’espérance
en un monde de liberté, d’égalité et d’entraide.

Bref, en un mot comme en cent,
en ce début de vingt-et-unième siècle, les anars,
que l’on a dit maintes fois morts ou enfermés dans des chimères
d’une autre époque, sont de retour ! Et ils annoncent la couleur
 !

Les oppressions de toutes sortes
(politique, économique, sociale, militaire, religieuse, sexuelle...),
poubelle ! Les inégalités de toutes sortes (on prend les
mêmes et on recommence), poubelle ! Les exploitations de toutes sortes
(on reprend les mêmes et on recommence), poubelle !. Les patrons,
les gouvernants, les flics, les curés, les militaires, les fonds
de pension, les boursicoteurs, les banquiers, les multinationales, les
culs-serrés de la rente, les pignoufs de la bureaucratie, les engagés
volontaires de tous les petits pouvoirs, les docteurs Folamour de la destruction
de la terre, les scientifiques de merde de l’opéra-bouffe-ta-merde,
les zozos du réformisme, les malades du pouvoir, les charognards
de la propriété et de l’héritage, les marchands de
tout et de rien, les derniers imbéciles du droit du sang et de la
loi du plus fort... poubelle ! Expropriation et licenciement sans indemnité
 ! Tout et tout de suite ! Partage des richesses, pas de la misère
 ! Autogestion généralisée, ici et maintenant !

L’état actuel de la
technique et de la science offre à l’ensemble des habitants de notre
planète les moyens de nourrir, de loger, d’éduquer et de
faire accéder à la culture tous les êtres humains.
Vivre entre égaux (et donc, sans patrons, ni hiérarchies...),
s’associer libertairement entre égaux (et donc, sans État,
ni bureaucratie), s’entraider entre égaux (et donc sans marché,
ni profit), man-ger à sa faim, se loger décemment, se vêtir
correctement, s’enivrer des arts et des lettres (et donc en ne consacrant
au travail productif qu’un minimum de temps), respecter l’environnement...
c’est non seulement possible, mais, plus le temps passe, plus ça
devient nécessaire, sauf à se résigner à la
barbarie qui s’annonce.

Les anarchistes sont les seuls,
aujourd’hui, à tenir ce discours tout de bon sens.

Un discours dont le bon sens
tient peut être au fait qu’il a mis un siècle et demi à
se construire !

Les anars ne tombent pas du ciel

L’anarchisme, en tant qu’aspiration
à des valeurs (refus des oppressions et des exploitations de toutes
sortes, aspiration à des relations sociales égalitaires favorisant
l’épanouissement des libertés individuelles et collectives...),
existe depuis la nuit des temps, car il colle littéralement à
la peau d’un éternel humain, tout de peur de mourir et de désir
de vivre.

L’anarchisme, en tant qu’élaboration
d’un projet global de société, en tant que mouvement social
et organisation militante, ne date, lui, que d’un siècle et demi.
Proudhon, Bakounine, la guerre
au couteau au sein de la Première Internationale entre deux conceptions
du socialisme (autoritaire et antiautoritaire, étatiste et fédéraliste,
électoraliste et acteurs de l’action directe, accrocs de la prise
du pouvoir et partisans de l’autogestion généralisée...)
 ; les illets rouges de la Commune de 1870 ; l’édification des premières
cathédrales du mouvement ouvrier que furent les bourses du travail
et les maisons du peuple ; la constitution, pierre à pierre, des
premiers syndicats comme outils et armes d’une volonté de transformation
sociale radicale ; les premières expériences d’éducation
populaire dans les associations ouvrières ; les premiers pas d’une
éducation libertaire (avec l’orphelinat de Cempuis de Paul Robin,
la Ruche de Sébastien Faure, les écoles modernes de Ferrer)
 ; les premières luttes pour le droit à l’avortement, à
la contraception et à l’union libre ; les premiers groupes espérantistes,
végétariens, naturistes, écologistes ; l’élan,
brisé net, d’une volonté d’empêcher la boucherie de
la Première guerre mondiale ; l’engagement, aux premiers rangs,
dans le camp de la révolution russe ; l’Ukraine libertaire écrasant
les armées blanches de Dénikine et sauvant, de ce fait, la
révolution de 1917 ; le combat des marins de Cronstadt pour une
troisième révolution (devant succéder à la
révolution bourgeoise et au coup d’État bolchévique)
 ; le chant du cygne des conseils ouvriers de Bavière et de Turin
 ; la remise sur pied d’une Internationale antiautoritaire ; les grandes
luttes ouvrières de l’entre-deux guerres en Belgique, en Allemagne,
en Italie, en Argentine, en Espagne et ailleurs ; le coup de tonnerre de
la plus grande révolution sociale de tous les temps en juillet 1936
en Espagne ; le grand souffle libertaire d’un printemps trop bref en 1968
 ; une traversée du désert jusqu’à ces dernières
années, la Fédération Anarchiste Francophone,
la CNT ; les alternatives sociales, le renouveau libertaire actuel...
tout cela forme un tout. Une continuité. Une histoire à nulle
autre pareille. Une épopée dont les roses ne se sont jamais
fanées.

Le chemin se trace en marchant

Le fait d’avoir une telle histoire
constitue un atout certain pour le mouvement libertaire de cette fin de
siècle.

C’est, en effet, dans la durée
que les cohérences se jaugent et se jugent. Et celle de l’idéal
libertaire, on s’en doute, ne s’est pas faite en un jour.

Notre histoire, et c’est ce
qui la rend vivante et actuelle, a toujours été à
plusieurs voix, à cent nuances et à mille tâtonnements.

Impossible, donc, de s’y référer
comme à un catéchisme, de la mythifier ou de l’ânonner.

En ce sens, c’est une histoire
qui est en devenir permanent. Qui s’arc-boute sur quelques grands principes
et les conjugue au seul temps qui vaille, celui de l’expérimentation.
Qui sera toujours inachevée.

Notre haine du capitalisme,
de l’État, du réformisme, de l’électoralisme, des
patrons, des curés, des militaires, des avant-gardes autoproclamées,
des petits marquis de la gestion de l’existant, des dictatures brunes ou
rouges... s’est forgée au feu des faits et de leur répétition.
Notre passion pour une liberté des autres étendant celle
de chacun à l’infini est une longue histoire d’amour et de désamour.
Cet autre futur que nous avons dans le cur s’est toujours enraciné
dans l’obsession d’un autre présent.

Notre histoire (n’en déplaise
aux historiens et aux intégristes qui sévissent jusque dans
nos rangs), même si elle n’est pas exempte de quelques pages jaunies
et datées, a cela d’extraordinaire qu’elle ne se veut qu’un grand
livre ouvert sur les pages blanches du présent et de l’avenir.

Notre histoire, c’est clair,
pour avoir déjà été écrite, et de quelle
manière, restera toujours... à vivre !

Traces d’ombres et bâtisses d’être

Ici, là ou ailleurs,
il est courant de dire et d’entendre dire que les anarchistes ne sont pas
des mauvais bougres mais qu’ils manquent cruellement de réalisme.
De réalisme, justement, parlons en !

Dès la fin du dix-neuvième
siècle, les anarchistes dénonçaient les chimères
des socialistes réformistes de la gestion du moins pire et le caporalisme
des petits bourgeois d’un marxisme autoproclamé scientifique.

Et, qu’ont fait les socialistes
réformistes depuis un siècle et demi si ce n’est gérer
l’insupportable et l’intolérable du capitalisme ?

Et, qu’ont fait les soi-disant
puits de science du marxisme si ce n’est faire pire que les pires des capitalistes
et autres fascistes du moment, au point de construire un fascisme rouge,
et de favoriser, sur leurs tombes, la pousse des plantes vénéneuses
du nationalisme et de l’obscurantisme religieux ?

Qu’ont-ils fait tous ces gens
et toutes ces idéologies qui nous ont toujours expliqué que
le plus court chemin menant de l’intolérable à l’espérance
socialiste était... la ligne courbe ?

150 ans d’histoire sont là
pour témoigner de leurs échecs.

Et 150 ans d’histoire sont
là pour témoigner de la pertinence des soi-disante utopies
anarchistes !

Utopiste que de dire
lors de la commune de Paris que... ? Utopiste que de dire en 1917
que tout le pouvoir devait aller aux soviets ? Utopiste que de dire
que la liberté et l’égalité ne passent pas par les
impasses du goulag ? Utopiste que de dire que l’État est
une classe sociale "en soi" ? Utopiste que de dire que l’on n’accède
à la liberté et à l’égalité que par
l’exercice de la liberté et de l’égalité ? Utopiste
que de dire qu’on ne peut pas faire pire que l’intolérable du moment
et qu’il n’est d’aucun intérêt de s’en accommoder ? Utopiste
que de dire et de démontrer que l’autogestion généralisée
est possible et que ça marche dès lors que des Franco ou
des Lister ne viennent pas détruire une espérance en actes
 ? Utopiste que de dire que la fin est contenue dans les moyens ?
Ben, tiens !

Qui des visionnaires ou autres
précurseurs de l’éducation nouvelle, du droit à l’avortement
et à la contraception, de l’évidence de léguer aux
générations futures une Terre qui ne soit pas une poubelle,
de l’inanité d’une transformation réformiste de l’intolérable,
de l’inacceptable des dictatures rouges... ou des harkis socialos et des
marxistes autoritaires, relèvent de l’utopie ?

À l’évidence,
nous avons plus fait avancer le schmilblick de l’histoire des êtres
humains que ces petits chefs de tous les compromis et de toutes les compromissions.

De ce fait, la mémoire
des vaincus, qui semble être l’âme de notre histoire, ne se
résume, peut-être, qu’à une absence de mémoire
 ?

Cette brochure, qui voudrait
s’adresser à un large public, n’a pas d’autre ambition que de vous
donner envie d’en savoir plus !

Le voulez-vous ?

Là a toujours été,
est et sera toujours la question !

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