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L’hospitalité conditionnelle

Le mercredi 10 décembre 2003

[Ce texte est écrit par un sympathisant libertaire et par ailleurs travailleur social.]



Imaginez un instant que ce soir, suite à tous les problèmes que vous vivez dans votre pays, vous soyez contraint de partir en catastrophe et de tout quitter brusquement, emmenant seulement avec vous une valise, qui contient tout ce que vous avez pu sauver, de vous, de votre vie, de votre passé. Le coeur lourd, parce que vous savez que vous ne reviendrez pas. Après un long trajet semé d’embûches et d’obstacles, souvent contraint d’utiliser filières ruineuses et passeurs sans scrupules, vous arrivez enfin dans un autre pays, qui, vous l’espérez si fort, vous accueillera et vous accordera l’asile. Mais vous n’en connaissez pas la langue, vous n’en connaissez pas les rouages, vous n’en connaissez pas les modes de vie, vous n’en connaissez pas les lois. Vous vous retrouvez seul. Et vous appelez au secours.

80 000 personnes ont ainsi fait appel à notre hospitalité en 2002. Elles nous ont demandé de leur accorder l’asile, ont fait appel à notre protection, obligées de fuir leur pays parce que menacées, torturées, ou victimes d’atrocités. Avant de devoir fuir, ces personnes étaient entourées de leur famille, avaient des amis, un travail, un environnement habituel… Et puis, parce qu’elles avaient des idées « politiquement incorrectes » au regard des autorités en place et qu’elles ont eu le courage de les revendiquer, ou qu’elles n’avaient pas la « bonne » couleur de peau ou la « bonne » religion, ou que leur identité ou orientation sexuelle était considéré comme « anormale et déviante », ou qu’elles n’appartenaient pas à l’ethnie au pouvoir, ou se trouvaient au mauvais endroit au mauvais moment, ou simplement parce qu’elles sont nées femmes, ou parce qu’un père, un mari, une mère, une sœur, était politiquement engagé et qu’il fallait en subir soi-même les conséquences… ou tout simplement parce que quelque chose a « dérangé », voilà que ces personnes se trouvent persécutées, maltraitées, torturées, emprisonnées arbitrairement, menacées dans leur chair et dans leur intégrité. Condamnées, rejetées. Contraintes à l’exil.

Et nous, qui vivons dans un pays qui se targue d’être une terre d’accueil, protectrice de la liberté de pensée et d’expression, garante des droits fondamentaux, quel accueil sommes-nous capables de leur réserver ?

Combattre les idées reçues et les discours dominants …

Selon la Convention de Genève de 1951, le terme de réfugié s’applique « à toute personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut, se réclamer de la protection de ce pays  » (article 1 de la convention) . En France, c’est l’Ofpra (Office français de Protection des Réfugiés et Apatrides) qui est l’organe chargé d’examiner les demandes d’asile et qui est habilité à reconnaître la qualité de réfugié à ceux qui la sollicitent. Cette formule, la plus courante, est dénommée asile conventionnel. L’Etat français fait une lecture restrictive de cette définition, considérant que la demande n’est recevable que si ces menaces et persécutions sont le fait des autorités étatiques du pays d’origine.

Le nombre de demandeurs d’asile conventionnel est en constante augmentation ces dernières années, passant de 30 907 en 1999, à 51 087 en 2002. Le taux d’obtention du statut de réfugié, délivré par l’Ofpra, connaît une légère diminution, avec 17% en 2002, contre 19,3% en 1999. Cette augmentation du nombre de demandes fait dire au Gouvernement que notre pays traverse une « crise de l’asile  ». Pourtant, en observant l’histoire récente, on s’aperçoit que notre pays a déjà connu un nombre de demandes similaire, voire supérieur. En 1989, par exemple, 61 422 demandes d’asile conventionnel ont été formulées, avec un taux d’obtention du statut de réfugié nettement supérieur (28,14% de réponses positives !).

L’asile territorial constitue une deuxième forme d’asile. L’article 13 de la loi du 11 mai 1998 relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d’asile (dite « loi Chevènement ») dispose : « dans les conditions compatibles avec les intérêts du pays, l’asile territorial peut être accordé par le ministère de l’intérieur après consultation du ministre des affaires étrangères à un étranger si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu’il y est exposé à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l’homme et des libertés fondamentales [1]. Les décisions du ministre n’ont pas à être motivées  ». Cette formule permet donc à des personnes qui sont en danger dans leur pays d’origine, non du fait des agissements de l’Etat, mais du fait de groupes tiers (c’est le cas par exemple des algérien(ne)s menacé(e)s par des groupes terroristes islamistes), de formuler une demande d’asile en France. Les règles de procédure concernant l’asile territorial sont différentes de celles de l’asile conventionnel ; c’est en effet le ministre de l’intérieur qui prend la décision d’accorder ou non l’asile territorial, après avis des préfectures. Il y a eu environ 30 000 demandes d’asile territorial en 2002 [2], sachant toutefois qu’un certain nombre de personnes ont déjà pu être comptabilisées dans le nombre de demandes d’asile conventionnel. Quant au taux d’obtention de ce statut, il est quasi-inexistant, avec seulement 3% en moyenne ces quatre dernières années ! [3]

Environ 80 000 personnes ont donc effectué une demande d’asile (conventionnel ou territorial), en France en 2002. Sorti de son contexte, ce chiffre n’a pas de sens. Ou plutôt, il est interprétable en fonction de ce qu’on a envie de lui faire dire. Le gouvernement entretien ainsi habilement l’idée que les étrangers déferlent à nos frontières, en expliquant qu’il y a une véritable crise de l’asile en France, et en annonçant dès l’exposé des motifs du projet de loi de réforme du droit d’asile, que notre pays « est devenu aujourd’hui l’un des premiers pays d’accueil des demandeurs d’asile en Europe  ». Il convient donc d’examiner ces chiffres de plus près, et de les resituer dans le contexte international.

En effet, au regard de la population totale de notre pays, la France, en 2002, a reçu 0,9 demandes d’asile pour 1000 habitants, ce qui la place seulement en dixième position, sur les 15 pays de l’Union européenne. Loin derrière l’Autriche (4,6 pour mille), la Suède (3,7 pour mille), l’Irlande (3,1 pour mille), le Luxembourg (2,4 pour mille), le Royaume-Uni (1,9 pour mille) ou la Belgique (1,8 pour mille) [4]. Ce classement de la France n’est pas nouveau, déjà identique en 2000, ou en 2001. La France terre d’asile ? Une réputation qui perdure, dont notre pays tire fierté et orgueil, mais qui n’est pourtant absolument plus justifiée… Une fois encore le discours officiel, si docilement relayé par la plupart des grands médias, nous induit en erreur et nous donne une vision tronquée de la réalité.

Elargissons encore notre angle de vue. Sur la totalité des réfugiés dans le monde, l’Europe en abrite seulement moins de 5%. L’essentiel des déplacements de population en exil se fait dans le sens sud-sud, et non vers les pays occidentaux. Pour ne citer qu’un exemple, tellement significatif, la Tanzanie, à elle seule, accueille plus de réfugiés que les 15 Etats membres de l’Union Européenne [5]. Ce sont donc les pays les plus pauvres, situés à proximité des grands foyers de crise, qui accueillent l’essentiel des réfugiés, et l’Europe (comme l’Amérique du Nord) n’en absorbe qu’un faible nombre. Si crise de l’asile il y a, c’est parce que, les uns après les autres, les pays riches durcissent leur législation relative au droit d’asile et restreignent l’accès à une protection pour ceux qui en ont besoin [6]. Il suffit de lire la nouvelle loi de réforme du droit d’asile pour constater que ce processus franchit aujourd’hui une nouvelle étape en France.

Quand la France se protège de ceux à qui elle devrait donner protection…

Les parlementaires viennent tout juste d’adopter, le 18 novembre 2003, le projet de réforme du droit d’asile défendu par le ministre des Affaires étrangères Dominique de Villepin, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2004. L’ensemble de cette loi est marqué par une refonte en profondeur, puisque sont touchées à la fois la composition des organes de détermination, la définition du réfugié, ainsi que les procédures d’admission au séjour et de reconnaissance de la protection. L’exposé des motifs du projet de loi présente clairement la philosophie du gouvernement. Son approche est purement quantitative et économique. La question de l’asile est ramenée à un problème de gestion des flux migratoires (amalgame facile, mais ô combien dangereux) ou de gestion des coûts, alors qu’est ici en cause l’exercice d’un droit fondamental et la notion de « protection ».

Au delà des modifications touchant aux instances administratives (en particulier l’Ofpra devient le guichet unique pour toutes les formes d’asile) [7] , sur lesquelles nous ne nous attarderons pas ici, le projet de loi introduit dans la législation plusieurs innovations majeures (sous réserve d’une saisine éventuelle du Conseil Constitutionnel sur laquelle reposent nos derniers – faibles - espoirs).

- En premier lieu, le remplacement de l’asile territorial par la « protection subsidiaire », pour les étrangers ne pouvant prétendre au statut de réfugié au titre de la Convention de Genève. Son bénéfice serait accordé « pour une période de un an renouvelable » (article 1 – II). Les critères retenus seraient plus précis que ceux de l’asile territorial : la protection subsidiaire concernerait en effet les personnes « exposées dans leur pays à l’une des menaces graves suivantes : peine de mort, tortures, peines ou traitements inhumains ou dégradants ». Elle viserait également, dans les situations de conflits armés, les civils sur qui pèserait une « menace grave, directe et personnelle contre sa vie ou sa sécurité ». Si on peut saluer la suppression de l’asile territorial et l’introduction d’une procédure unique de détermination avec des décisions motivées et susceptibles de recours suspensifs pour l’ensemble des demandes d’asile, on peut craindre que cette protection subsidiaire ne permette pas de protéger ceux qu’il est manifestement impossible de renvoyer en raison de situations d’insécurité générale, créant ainsi de nouvelles catégories de personnes ni éligibles, ni reconductibles [8]. On peut également regretter la nature précaire de ce nouveau statut, lequel risque de laisser le bénéficiaire dans une incertitude permanente puisque le projet de loi prévoit que son titre de séjour pourra lui être retiré « à tout moment ».

- Autre nouveauté : la notion « d’asile interne » , qui permettrait à l’Ofpra de rejeter la demande « d’une personne qui aurait accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d’origine ». A condition, précise le texte, que cette personne n’ait « aucune raison de craindre d’y être persécuté ou d’y être exposé à une atteinte grave et s’il est raisonnable d’estimer qu’elle peut rester dans cette partie du pays » (article 1 – III). On peut légitimement s’inquiéter de l’introduction de cette notion d’asile interne dans notre droit, qui pourrait dans les faits annihiler la possibilité concrète d’obtenir l’asile pour de nombreux demandeurs. Des exemples récents (les poches humanitaires en Bosnie, la zone humanitaire au Rwanda) ont en effet montré que, même sous la protection d’une force internationale, la possibilité d’une option d’asile interne n’est pas une forme de protection suffisante et durable [9]. En outre, la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme, dans son avis du 24 avril 2003 sur le projet de loi, considère cette notion comme « contraire à la Constitution en ce qu’elle limite le champ d’application de l’asile constitutionnel (…). Cette forme d’asile vise à accorder le statut de réfugié aux combattants de la liberté indépendamment de toute (…) possibilité interne de protection ».

- La réforme introduit enfin le concept de « pays d’origine sûr » comme motif de rejet d’une demande. Le soin d’établir la liste de ces pays est laissé aux instances européennes. Le projet propose toutefois une définition : « un pays est considéré comme tel s’il respecte les principes de la liberté, de la démocratie et de l’Etat de droit, ainsi que les droits de l’homme (avec un « h » minuscule !) et les libertés fondamentales » (article 6, alinéa 5). Leur ressortissant verraient quand même leur demande examinée, mais dans des délais plus rapides et sans recours suspensif, dans le cadre d’une procédure prioritaire. Non seulement l’introduction de cette notion de pays d’origine sûr constitue une grave entorse au principe de non-discrimination, énoncé par l’article 3 de la Convention de Genève [10], mais on peut s’interroger sur les modalités d’application, l’exposé des motifs prévoyant en effet qu’un pays peut-être qualifié de sûr lorsqu’on « peut présumer que des persécutions ne sauraient être ni perpétrées, ni autorisées, ni laissées impunies ». S’il suffit de présumer…

Un Préfet à l’Ofpra : un emploi fictif ?

En parallèle, le Ministère de l’Intérieur, appliquant une stratégie simple et efficace, tente de s’assurer une main-mise sur l’Ofpra. Pourtant, contrairement à ce qu’on pouvait craindre initialement, le projet de loi est très clair sur ce sujet : la tutelle de l’Ofpra reste aux Affaires Etrangères (ce qui est le cas depuis cinquante ans) et ne passe pas sous la houlette du Ministère de l’Intérieur. Mais quand la voie légale s’annonce difficile et qu’on peut s’attendre à une (légitime) levée de boucliers, il reste toujours les voies détournées, espérées plus discrètes. Ainsi, nous avons appris en septembre la nomination (publiée au Bulletin Officiel du 10 juillet) du préfet Bernard Fitoussi (placé comme tous les préfets sous la tutelle de l’Intérieur) à l’Ofpra [11] . Sa fonction est imprécise, l’Ofpra disposant déjà d’un directeur, et ses statuts ne prévoyant pas de directeur adjoint. Quel sera le rôle exact de ce préfet, dépourvu de délégation de signature, dont on nous dit qu’il sera « chargé de mettre en place la future cellule du ministère de l’Intérieur qui sera installée pour faciliter les relations entre l’Ofpra et les préfectures » [12] ? Bref, on ne sait pas trop pourquoi il est là, mais sûrement pas pour faire de la figuration … Il est très clair qu’en réalité l’Ofpra passe de fait sous la tutelle du ministère de l’Intérieur, ce qui pose clairement la question de son indépendance. Et pourtant, on sait que les principes du droit d’asile sont incompatibles avec les préoccupations de l’Intérieur. Une fois encore, l’amalgame est volontairement fait entre la mission de protection des réfugiés d’une part, et les missions de police, de maintien de l’ordre public et de contrôle des flux migratoires, obsession de l’Intérieur, d’autre part. Et pourtant on ne peut pas dire que l’Ofpra fait du zèle, avec, on l’a vu, seulement 17% d’obtention du statut de réfugiés… Et pour demain, 15% ? 10% ? 3% ? Des barbelés aux frontières ? La pratique actuelle ultra-restrictive du ministère de l’intérieur dans les procédures d’asile territorial (2% d’accord en 2002) ne nous engage pas à un franc optimisme…

Droit d’asile, devoir d’accueil et d’hébergement ?

A leur arrivée en France, les demandeurs d’asile ont recours s’ils le peuvent à une solution individuelle (chez des amis, des compatriotes, etc.), mais le plus souvent ils n’ont personne sur qui s’appuyer, et se retrouvent sans ressources, sans toit, à la recherche d’un hébergement, d’une aide alimentaire et financière, de conseil et de soutien. Le système français leur permet alors, en théorie, d’accéder à une place d’hébergement en Centre d’Accueil pour Demandeurs d’Asile (CADA).

Au 31 janvier 2003, le Dispositif National d’Accueil est constitué de 152 CADA répartis sur le territoire, soit 10 286 places d’hébergement. Ces dernières années, l’augmentation du nombre des demandeurs d’asile, ainsi que l’augmentation de la durée des procédures, ont entraîné la saturation complète de ce dispositif d’accueil spécifique, qui s’avère largement insuffisant pour répondre à la demande et n’est pas en mesure d’assumer correctement ses fonctions pour les nouveaux arrivants. La majorité des demandeurs d’asile ne peut plus aujourd’hui entrer en CADA, les personnes sont laissées livrées à leur sort. On ne compte plus les familles et les personnes isolées hébergées dans des conditions indignes, voire laissées à la rue faute de places suffisantes dans les centres d’hébergement. On ne compte plus les réfugiés contraints d’utiliser des solutions de fortune, de dormir dans des caravanes, des voitures, des squats, des caves désaffectées … Des familles sont éclatées, les dépenses d’alimentation ne sont pas prises en charge, les dossiers de demande du statut de réfugié ne sont pas préparés correctement, les personnes vivent dans l’angoisse, et dans des conditions matérielles difficiles et indignes. Cet état de fait est révoltant et inacceptable.

Alors que les demandeurs d’asile ont légalement droit à l’aide sociale à l’hébergement, il est impossible de les accueillir dans des conditions satisfaisantes, faute de moyens. Pour accueillir ces personnes, qui sont sur notre territoire, de façon décente et conforme aux engagements internationaux et aux lois nationales, il est urgent de créer des places d’hébergement supplémentaires. Aujourd’hui, malgré de nouvelles ouvertures de places en 2003, ce sont au moins 15 000 places supplémentaires qui manquent encore pour que les demandeurs d’asile puissent bénéficier, pendant toute la durée de la procédure d’examen de leur demande, d’un hébergement stable, de moyens de subsistance suffisants et d’un accompagnement social, administratif et juridique.

Le système français d’accueil pour les demandeurs d’asile permet théoriquement de choisir entre un accueil en CADA, ou un accueil individuel. Encore faut-il pour que ce choix soit réel que l’offre d’hébergement soit suffisante… Encore faut-il pour que ce système soit juste, que le soutien apporté soit équivalent dans chacune de ces formules, y compris en matière d’accompagnement socio-juridique spécifique.

Ceci est d’autant plus nécessaire que le droit au travail des demandeurs d’asile a été supprimé en 1991 (par un gouvernement socialiste dont un premier ministre avait expliqué deux ans plus tôt que « la France ne pouvait pas accueillir toute la misère du monde »), ne laissant depuis d’autre choix aux demandeurs d’asile que de faire appel à l’aide publique pour subsister. Bref, d’être des assistés, ce qu’eux-mêmes vivent très mal [13] , et ce que paradoxalement on ne se prive évidement pas par ailleurs de leur reprocher… Il faut rétablir le droit au travail pour les demandeurs d’asile, seule solution pour leur permettre de subvenir eux-mêmes à leur besoin, et leur rendre un peu de cette dignité qui leur a été volée. Et si les raisons humaines ne devaient pas être suffisamment convaincantes, il est des raisons purement économiques qui ne devraient pas laisser le gouvernement insensible. En effet, rétablir le droit au travail pour les demandeurs d’asile permettrait à la fois d’économiser des sommes conséquentes sur les budgets d’aide sociale, et de récupérer des sommes non moins conséquentes, via les cotisations sociales de ces nouveaux salariés [14] . A l’heure où le Conseil économique et social (CES) vient de rendre, en date du 29 octobre 2003, un avis sur les « défis de l’immigration future » qui prône « la progression du solde migratoire au rythme de 10 000 immigrants de plus chaque année » [15] , plus rien ne s’oppose à rétablir enfin le droit au travail pour les demandeurs d’asile.

Parce que les réfugiés ne partent pas de chez eux sur un coup de tête, parce que certains ont fui devant un danger grave et imminent, parce que d’autres ont pris la décision de quitter leur pays à l’issue d’une longue période de doute et d’angoisse, après avoir épuisé toutes les autres possibilités, parce que tous ont laissé derrière eux un foyer, des amis, un métier, une vie, parce que tous ont vu leur existence bouleversée par des forces contre lesquelles ils ne pouvaient rien, accordons l’hospitalité à ceux qui ont fait le choix de venir vivre dans notre pays.

Et continuons à combattre les discours racistes et sécuritaires, qui jouent sur la peur de l’étranger, mais qui n’ont d’autres buts que de protéger les intérêts des pays riches et de refuser toute répartition équitable des richesses mondiales. Oui, un autre monde est possible, à condition, simplement, de le vouloir…

Notes :

[1« Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants »

[2Les chiffres officiels et précis ne sont pas communiqués.

[3Il existe une troisième forme d’asile, l’asile constitutionnel, très peu utilisée, qui relève, comme l’asile conventionnel, de la compétence de l’Ofpra. Il est prévu par l’alinéa 4 du préambule de la Constitution de 1946 (repris dans le préambule de la Constitution de 1958) : « Tout homme persécuté en violation des libertés et droits garantis par la présente déclaration a droit d’asile sur les territoires de la République » (article 6). Il semble que nous devons en déduire que cela peut également s’appliquer aux femmes…

[4Source : UNHCR, Mars 2003.

[5A titre de comparaison, le PNB de la Tanzanie est de 120 $ par habitant, contre 24990 $ par habitant pour la France, 27510 $ pour l’Allemagne, 24710 $ pour la Belgique, 29890 $ pour le Danemark, etc. Sans commentaires…

[6Lire la tribune de Nathalie Ferré, présidente du Gisti, dans le Monde du 19 juin 2003.

[7Actualités Sociales Hebdomadaires du 21 novembre 2003.

[8Voir les commentaires et propositions de la Coordination française pour le droit d’asile – 30 septembre 2003.

[9Voir les commentaires et propositions de la Coordination française pour le droit d’asile – 30 septembre 2003.

[10« Les Etats contractants appliqueront les dispositions de la Convention de Genève aux réfugiés sans discrimination quant à la race, la religion ou le pays d’origine ».

[11Libération du 24 septembre 2003.

[12Actualités Sociales Hebdomadaire du 26 septembre 2003.

[13Voir les témoignages de demandeurs d’asile dans le documentaire « l’hospitalité conditionnelle », produit en 2002 par Pavé Production.

[14Ces arguments ont convaincu le gouvernement allemand de lever l’interdiction de travail pour les demandeurs d’asile, par un décret du 1er janvier 2001 (le Monde du 22 janvier 2001).

[15Le Monde – supplément économie – 4 novembre 2003

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