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Campement No Border (1) : le déroulement du camp

Le septembre 2002

Du 19 au 28 juillet s’est tenu un camp No Border (Pas de Frontière) à
Strasbourg. Il a rassemblé des personnes venues de toute l’Europe - et
parfois de plus loin - pour lutter contre les politiques d’immigration et
sécuritaires européennes en général et contre le SIS (Système
d’Information Schengen) en particulier. Les participants étaient des
militants de collectifs, d’organisations politiques ou syndicales, des
squatteurs, des membres de réseaux, des individus... Outre les thèmes
communs, ce qui unissait tout ce monde était le fonctionnement
autogestionnaire et l’approche anti-autoritaire pour ne pas dire
libertaire.Le camp s’est installé Parc du Rhin qui se trouve le long du fleuve du
même nom (donc près de la frontière allemande).Plus de 2000 personnes ont participé
à cette expérience.

Tout au long du camp ont eu lieu de nombreux débats, projections,
conférences... Cet article s’attache surtout aux actions publiques menées
à l’extérieur du camp.L’installation du camp a débuté quelques jours avant le 19
juillet de
manière à ce qu’une partie de l’infrastructure soit déjà sur place.

Vendredi

La journée a essentiellement été consacrée à l’installation du camp.

Samedi

Nous sommes le 20 juillet, jour de la mort de Carlo Giuliani au sommet de
Gênes un an auparavant. A sa mémoire et à celle d’une autre personne tuée
récemment par les flics strasbourgeois, une manifestation va de la place
de la Gare à la place Kléber (place centrale de Strasbourg).

Dimanche

Une action anti-pub est organisée dans l’après-midi. Elle consiste à
ouvrir les panneaux publicitaires, à en sortir les affiches et à les
remplacer par des affiches No Border. Tout de suite, la répression
commence : trois personnes sont arrêtées. Lors d’une des interpellations un
pistolet est pointé vers la tête de la personne interpellée puis vers la
vingtaine de militants venue protester.

Peu après le départ d’une partie
du camp vers le commissariat central, les trois compagnons sont libérés...

Point
positif : toute l’Europe va maintenant savoir ouvrir les panneaux
publicitaires.

Lundi

11H départ au rythme de la samba (troupe de percussionnistes au style
"pink&silver block") de la manifestation pour les sans-papiers et contre
les politiques européennes à leur égard. Le cortège fait un arrêt avec
prise de parole devant la Cour européenne des droits de l’homme où une
délégation devait être reçue.

Après une pause devant l’ancien Parlement européen, on
se dirige vers le
centre-ville. Sur la place Kléber, nouvelles prises de parole et
décrochage de drapeaux européens et français. En marge du cortège, 3
personnes sont arrêtées avec en leur possession un drapeau. La
manifestation se scinde en deux, une partie rentre au camp avec les
sans-papiers présents et l’autre va devant le commissariat central exiger
la libération des prisonniers. Longue attente sans résultat.

Dans le même
temps, des gens du camp bloquent le pont de l’Europe situé juste à côté du
Parc du Rhin.

Dans la soirée, quatre réceptions d’hôtels du groupe Accor sont taguées et
saccagées pour dénoncer la participation active de ce groupe à
l’emprisonnement et à l’expulsion des sans-papiers.

Aucune arrestation.

Mardi

Thème de la journée : la lutte contre l’idéologie sécuritaire.

Une performance théâtrale intitulée "La vie en bleu" doit se tenir place
Kléber, puis une parade agrémentée de saynètes anti-sécuritaires doit
parcourir la ville. Sur la place, la présence des flics est très forte.
Les bleus tentent une provocation : ils essaient d’arrêter une personne
qui écrit à la craie ! Les NoBorder empêchent l’arrestation.

Les participants
constatent que, vu la tension, il vaut mieux écourter la
parade. Il est donc décidé de faire cette parade mais en rentrant
directement au camp. Sur le chemin, des publicités sont arrachées (après
ouverture des panneaux), de nombreux slogans sont tagués, les caméras de
vidéosurveillance sont signalées par des tags faits au pochoir. A
l’arrière, de petites barricades sont mises en place et un groupe de
cyclistes maintient les flics à distance.

Pas d’arrestation.

Mercredi

La manifestation du jour dénonce l’existence des centres de rétention. Au
départ, il était prévu d’aller devant celui de l’agglomération
strasbourgeoise. Mais la CIMADE nous a informés que très
exceptionnellement il avait été vidé...

Le cortège de 1000 personnes part donc de la
gare vers 15H et déambule
dans la ville au rythme de la samba. Nous faisons un arrêt devant le
palais de justice sur lequel de la peinture est projetée. Sur tout le
parcours, les bâtiments symboles de l’oppression étatique et capitaliste
sont tagués et les caméras de vidéosurveillance sont mises hors d’état de
nuire. Les flics bloquent l’accès à l’ambassade américaine.

Place de la République,
l’offensive des bleus commence. Une personne est
arrêtée, la manif réagit, gazage, réplique par des tirs de fusées de
détresse. A partir de ce moment, l’arrière de la manifestation est gazée
en permanence. Le cortège va au centre-ville. Passage sur la place Broglie
où se déroule un marché, gazage général. La samba disparaît. On se
retrouve dans une petite rue, deux vitrines de banques sont brisées et une
bombe lacrymogène tombe au milieu du cortège. Premier tir de flash-ball.
Les deux bouts de la rue sont bloqués, ça sent le gaz... On ne trouve
qu’une petite ruelle pour sortir de ce traquenard.

On se regroupe place de la
Cathédrale, pleine de touristes. A notre grande
surprise, la place est gazée. La manif fait une pause, le temps que les
gens isolés puissent rejoindre le cortège.

Nous repartons vers le camp avec toujours
les CRS quasiment au contact de
la queue de la manif. La tension est très forte à l’arrière et personne
n’arrive à maintenir les flics à distance.

Un peu plus loin, les bleus entrent dans
le cortège pour effectuer une
arrestation ciblée (celle d’Ahmed). Dans la confusion, au moment où la
manif crée des chaînes, un membre de la FA est touché par un tir de
flash-ball à la jambe, il est évacué par ambulance. Le tir s’est fait à
moins de trois mètres, il aurait pu être mortel...

Le cortège se structure en carré
délimité par des chaînes humaines. Le
cortège a des airs de troupe battant en retraite. De petites barricades
sont placées pour ralentir les flics. A proximité du Parc du Rhin, des
NoBorder restés au camp viennent à notre rencontre. Soulagement. Les flics
nous lâchent enfin à l’entrée du parc.

Il est environ 20H. On fait un point sur les
blessés, les arrêtés, les
disparus. On mange enfin. De petits groupes se forment et discutent de la
journée. Dans la soirée on apprend que le préfet interdit toute
manifestation de No Border jusqu’au lundi 29 à minuit.

Jeudi

Au réveil un représentant de la préfecture apporte l’arrêté à l’entrée du
camp. Toutes les discussions tournent autour de la poursuite des actions
et manifs prévues hors du camp. La caravane des banlieues s’arrête un jour
plus tôt que prévu. Toutes les manifestations de grande envergure sont
annulées. Seule la grande manif finale du samedi reste en suspens.

Par contre, les
NoBorder décident de faire des actions au centre-ville en
sortant en petits groupes du camp. Il y a eu par exemple un rassemblement
devant le commissariat central qui a vite été écourté sous la pression
policière. Un autre groupe a investi un bateau-mouche et déployé des
banderoles. Revenu à l’embarcadère, la police a fouillé tout le monde et
saisi la matériel militant. Les flics leur ont proposé une alternative :
soit ils étaient des manifestants et ils étaient embarqués, soit ils
renonçaient à cette appellation et ils rentraient en petits groupes au
camp. Bien sûr, ce ne fut pas une manifestation...

Pas d’arrestation pour ce jeudi.

Le soir a eu lieu un concert sous la grande tente ; on décompresse.

Vendredi

Comme la veille, tous les accès au centre-ville sont bloqués par des
barrages. Ce délit de faciès "No Border" empêche d’entrer dans le centre.
Ironie de la situation : certains avaient prévu de bloquer symboliquement
les accès au centre-ville. Cette action devait symboliser
l’Europe-forteresse... Finalement, on est passé du symbole à la réalité.

Non loin
d’un accès au centre, un autre rassemblement se déroule devant le
tribunal de la ville. Cette après-midi là, Ahmed passait devant le juge
pour déterminer la date du procès et pour décider de son éventuelle
incarcération jusque-là. Au départ, les flics refusaient de laisser entrer
des militants. Puis, un chef est arrivé et dans sa grande mansuétude, a
laissé quinze militants assister à l’audience, mais en échange de leur
carte d’identité... Le procès est fixé au 21 août et Ahmed est placé en
détention provisoire. La bonne centaine de militants restée à l’extérieur
manifeste son soutien à Ahmed en faisant du bruit.

Une fois les militants sortis du
tribunal sans Ahmed (report du procès au
21 août et mise en détention privisoire), nous tentons de rejoindre le
camp en cortège. Arrivés sur une grande artère, nous sommes encerclés par
les flics sur le trottoir. Et là, miracle, un bus double est affreté
gratuitement pour nous permettre de rentrer au camp. Comme quoi les
transports gratuits c’est possible...

Samedi

Ce jour-là à Strasbourg avait lieu une très grande braderie réunissant
plus de 100 000 personnes. La grande manifestation finale prévue contre le
SIS risquant d’être empêchée par les flics, de petits groupes sont partis
au centre-ville. Au milieu des badauds, près de 300 NoBorder ont investi
la place Kléber au rythme de la samba et diffusé des milliers de tracts.

La police a eu beaucoup de difficultés à séparer les "méchants
manifestants" des "gentils consommateurs". Cela a été d’autant plus
difficile que la foule se solidarisait avec nous. A force d’intimidations
et de gazages, les "forces de l’ordre" sont parvenus à encercler les
militants, puis à les repousser en bordure du centre-ville. Miracle des
transports gratuits, deuxième ! Cette fois, ce sont deux bus doubles qui
sont affrétés.

Dans l’après-midi, d’autres manifestants tentent de se diriger vers le
siège du SIS, situé en banlieue. Après quelques centaines de mètres, la
manif est bloquée par un important dispositif policier, puis repoussée
vers le Parc du Rhin.Nous décidons alors de passer la frontière et de manifester
dans la petite
ville allemande de Kehl (juste de l’autre côté du Rhin). Arrêt sur la
place centrale. Passage devant la prison (tags, interphone détérioré) et
retour devant la gare. Une partie des manifestants retourne au camp,
tandis qu’une autre prend le train pour aller à la gare de Strasbourg.

Une partie des
"voyageurs" parvient à rejoindre le centre-ville. Mais vu
l’important dispositif policier leur action n’a rien donné.

Durant l’après-midi, après la tentative de sortie, de nombreux CRS
contrôlent les personnes sortant du camp.

Dernière nuit. Un grand feu a été allumé à la limite des parties publiques
et privées du campement. De nombreuses palettes, ainsi que des étagères
fabriquées pour l’occasion alimentent ce feu de joie. Plus tard un grand
rouleau de papier a permis de faire des banderoles sommaires. Avant d’être
brûlées, les banderoles étaient montrées aux nombreuses personnes
présentes. C’est ainsi qu’ont été brûlés le capital, l’état, la police...
mais aussi les réunions de barrios (quartiers), les traductions... Jusqu’à
tard dans la nuit, ont résonné des tambours "du Bronx".

Dimanche

Fin du démontage. La décision avait été prise de quitter le camp en
caravane, symbolisant un exode. En camion, voiture, vélo ou à pied nous
prenons la direction du commissariat central pour chercher deux camarades
encore en garde à vue. Bien évidemment, notre projet a rencontré la
désapprobation de la police. Ils ont bloqué la caravane et nous ont
demandé de partir en Allemagne. Nous avons très lentement continué à
progresser jusqu’aux portes de la ville. Puis nous nous sommes arrêtés. La
police a finalement accepté d’amener les deux prisonniers jusqu’à nous.

Quelle
victoire de voir la BAC déposer nos camarades à quelques mètres de
la tête de la caravane !Chacun est alors parti de son côté.

No Border, c’est fini.

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  • No Border

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