Accueil > Articles > De la colère et des larmes après un meurtre fasciste !
  •   |   {id_article}  |  
      |  
  • Article

Dortmund (Allemagne)

De la colère et des larmes après un meurtre fasciste !

Le vendredi 2 juin 2006

Manif antifa après le meurtre (Banderole ; De la colère et de la tristesse à la résistance)

(Article paru dans le Monde Libertaire)

Dans la soirée du 28 mars dernier, Thomas S., un punk de 31 ans a été tué par un néonazi de 17 ans. La scène s’est déroulée dans une station du métro de Dortmund (Allemagne), lorsque apès une altercation verbale, le néonazi a frappé Thomas S. à trois reprises avec son couteau. Grièvement touché au coeur, ce dernier décédera dans l’ambulance le menant à l’hôpital. Il laisse derrière lui une femme et trois enfants.

L’agresseur et sa camarade, qui dans un premier temps avaient réussi à prendre la fuite ont été arrêtés peu de temps après par la police. Un mandat d’arrêt pour meurtre a été délivré contre ce dernier (qui avait déjà eu à faire à la justice) ; sa camarade a, quant à elle, été remise en liberté.

Dans les jours qui ont suivi le meurtre, la mouvance punk à organisée une Mahnwache (rassemblement du souvenir et du rappel) en déposant des fleurs et des bougies sur le lieu de l’agression. Des néonazis sont alors venus à plusieurs reprises provoquer et inquiéter des personnes. L’un d’entre eux a menacé une femme, en lui promettant : "Je vais te planter". Le lendemain le même énergumène reviendra intimider un punk avec un couteau !

La mouvance néonazie s’est d’ailleurs donnée à coeur joie pour "commémorer" à sa manière la mort de Thomas S sur Internet. Ils en ont au passage profité pour mettre en garde les antifascistes.
La Kameradschaft Dortmund (Camaraderie Dortmund) a publié, sur divers sites Internets et entre autres celui de l’Aktionsbüro Westdeutschland (Bureau d’action Allemagne de l’ouest), une prise de postition intitulée : "Un camarade suspecté de meurtre en préventive". Outre le fait de se féliciter d’avoir trouvé un avocat pour leur camarade, on pouvait y lire : "La question du rapport de force a été posée, et pour nous la réponse est satisfaisante". Cette "dépêche" mentionnait également les noms et adresses de six militants antifascistes qui étaient accusés d’être les responsables du meurtre ! Cette prise de position disparaîtra rapidement du Net. Probablement l’hébergeur trouvait cela trop risqué et craignait des poursuites judiciaires.

Ce meurtre a suscité une vaste mobilisation antifasciste. À Dortmund 4000 personnes ont défilé le 2 avril derrière une banderole clamant : "Wut und Trauer zu Wiederstand" (De la colère et de la tristesse à la Résistance). D’autres villes ont également connu des mobilisations ; Berlin (manif spontanée, 150 personnes), Stuttgart, Munster, Bern ainsi que Munich (10000) et Verden (4000) où il y a eu des manifestations contre des défilés néonazis.

Ce qui s’est passé à Dortmund n’est pas arrivé comme ça un beau jour : Cela s’inscrit dans un contexte local et national. Depuis plusieurs mois, le milieu néonazi (à Dortmund) est en ébullition. La sortie de prison, en septembre de l’année dernière, de Siegfried Borchardt, baptisé "SS-Siggi", ancien Landesvorsitzender du FAP (Freiheitliche Deutsche Arbeiterpartei : Parti ouvrier allemand libéral - national-socialiste), qui a été interdit, a fait monter le ton. A de nombreuses reprises des néonazis ont simulé des défilés, se sont rassemblés devant des lieux de rencontre de la gauche autonome, etc.

Sur leurs forums, les néonazis projetaient de faire de Dortmunt une "zone nationalement libérée ", c’est-à-dire une ville qui serait sous leur contrôle. En se débarassant (en tuant ?) naturellement de tous ceux qui sont pour eux des "indésirables", l’ordre (nazi) règnerait. Une des principales conditions nécessaires à ce genre de "zone" est un rapport de force favorable dans la rue (et non dans les urnes) aux néonazis.

Le 11 mars (donc peu de temps avant le meurtre) on pouvait lire : "Celui qui n’est pas capable de tirer les leçons de ses erreurs, doit avoir conscience des conséquences. Nous sommes tout à fait disposés à rafraîchir la mémoire de certaines personnes [...]. Comme cela a déjà été montré dans le passé, nous ne tolérerons pas que la gauche ou les antifascistes organisent des choses sans qu’elles ne soient surveillées, commentées et avant tout punies."

Le vendredi précédant l’agression, la mouvance néonazie fêtait dans un bar la date anniversaire de la création du Borussenfront (Front de Borussia), qui a été interdit en 1992. Il s’agissait d’une organisation satellite de nombreux partis néonazis. A Dortmund et dans ses environs elle servait de relais au FAP. La police, appelée pour tapage nocturne, intima à plusieurs reprises aux néonazis de faire moins de bruit ; sans succès. Plus tard dans la soirée un Sri-Lankais sera insulté et frappé près du bar où se tenait la fête d’anniversaire. Suite à cette agression, la police arrêtera 17 personnes ayant participé à la soirée.

Globalement, en Allemagne, les violences fascistes ne sont pas rares. Depuis longtemps, toutes les agressions ne sont plus relatées dans les médias. Les manifestations contre ces actes ne sont plus forcément la règle. Dans de nombreux cas, ces violences sont attribuées (par la classe politique, les médias) à des jeunes désoeuvrés, pas très intelligents, "dépressifs" et frustrés !

La réalité est très différente. Souvent, ces personnes font partie d’organisations néonazies ou de la mouvance gravitant autour de celle-ci. Ils sont donc loin d’être les pauvres décervelés pour lesquels on veut les faire passer. Après, il bien sûr plus commode pour les polititques d’attribuer ces violences à des personnes paumés que d’en rendre responsables des militants convaincus ou d’"honnêtes citoyens" adhérant aux idéologies fascistes. Cela permet, d’un côté de minimiser l’importance des organisations-partis néonazis et, de l’autre, d’evacuer la question gênante de l’influence des thèses fascistes au sein de la population.

Pour l’Antifa Saar/Projekt AK, "Une aggression comme celle qui est mentionné ci-dessous n’est plus une exception en Allemagne, elle représente plutôt la règle. Dans l’est de l’Allemagne des villages entiers et des quartiers de certaines villes sont sous l’hégémonie de groupuscules néonazis."

L’agression à laquelle est fait allusion s’est déroulée dans la soirée du 18 mars dernier à Homburg/Saarbrücken aux alentours de la gare centrale. Deux jeunes sympatisants antifascistes sont provoqués par un groupe de six néonazis. Aux cris de : "Ce pays est le mien ! Ici c’est moi qui fait la loi !", ces derniers commencent à asséner des coups de poing et de matraques téléscopiques à un des jeunes. L’autre personne, une jeune femme de 17 ans est contrainte d’enlever son T-Shirt sur lequel il y avait marqué :"Contre les nazis" ! Il sera brûlé. Le jeune homme passera plusieurs heures à l’hôpital afin d’être soigné pour de nombreuses blessures au visage, aux bras, etc. Il porta plainte et la police arrêta deux des six agresseurs le même soir. Suite à cette agression une manifestation rassemblera à Homburg/Saarbrücken quelques 300 personnes.

Précisons cependant que les récits de l’échauffourée divergent sur un point précis : d’un côté, les deux jeunes personnes auraient été victime de la même aggression, de l’autre côté, certains évoquent deux attaques distinctes (à court intervalle). Le déroulement des faits (les coups et le harcèlement sexuel) reste pourtant inchangé dans les deux cas.

Quelques semaines plus tard, une nouvelle agression a lieu à Saarbrücken. Le dimanche 3 avril vers 3 heures du matin, quatre personnes se font attaquer par un groupe d’une dizaine de néonazis. Un des agresseurs clama :"Je suis fier d’être un néonazi allemand !" Trois des quatres personnes ont été plus ou moins gravement blessées. La personne la plus touchée, qui a reçu des coups de poing jusqu’à ce qu’elle perde connaissance, souffre de graves blessures à la tête, d’hémathomes, de multiples fractures, et de blessures au bas ventre. Les deux autres personnes souffrent de fractures et de contusions.

L’ambulance appelée par les vicitimes arriva sur place en même temps que la police. Cette dernière, au lieu de poursuivre les agresseurs qui ne devaient pas être très loin a préféré prendre les noms et adresses des personnes agressées. Lorsqu’une des victimes proposa à un policier de faire une description des agresseurs, ce dernier n’en tint absolument pas compte !

Les néonazis veulent s’imposer par la force, la violence, l’intimidation et la peur dans l’espace public. Il faut préciser que les liens entre les franges les plus radicales de la mouvance néonazie sont nombreuses avec les partis d’extrême droite "institutionnels" (NPD, et dans une moindre mesure DVU, Republikaner).

Dans la logique du contrôle de l’espace urbain à Berlin, le 5 avril une vingtaine de néonazis issus majoritairement de la Kamaradschaft BASO ont attaqué une soirée d’information organisée par les antifascistes de l’AAK. Peu avant le début de la soirée, une vingtaine de néonazis sont apparus dans les environs du café où était organisée la soirée. Ce dernier est situé non-loin du local central du NPD (National demokratische Partei Deutschland, Parti national démocratique allemand). Les vingt néonazis ont alors attaqué cinq personnes qui discutaient devant le café. Celles-ci ont réussi à fuir à l’intérieur du café. Deux d’entre elles seront pourtant blessées.

Les agresseurs ont ensuite filmé toutes les aller et venus et ont même tenté de pénétrer par l’arrière dans l’immeuble. La police arriva avec une toute petite heure de retard. Les néonazis n’ont donc pas été inquiétés...

Comme déjà évoqué plus haut par l’Antifa Saar/Projekt AK, ces violences (insultes, aggressions, menaces) sont devenus fréquentes, même si bien sûr elles ne se terminent pas toujours aussi dramatiquement comme à Dortmund. Ces violences sont pour les antifascistes représentatives de ce qu’ils appellent "deutsche Zustände", la situation allemande !

Olynx

Groupe de Strasbourg - Fédération Anarchiste


Sources :
Informationsdienst gegen Rechtsextremismus (IDGR),
www.antifa.de
www.autonome-antifa.com
www.antifa-freiburg.de
www.de.indymedia.org
www.antifasaar.kommunikationssystem.de/
www.antifa-ruhr.de.vu
Saarbrücker Zeitung

Suivre la vie du site RSS 2.0 | SPIP | Mgs MGS | Fédération Anarchiste FA