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Paris

Chronique d’une bavure ordinaire

Notre envoyé spécial au commissariat du 18e témoigne

Le mardi 22 mai 2007

(Article paru dans le Monde Libertaire)

Tout débute par un rancart à l’appel de certaines organisations antifascistes à la place Saint-Michel, à Paris, pour contrer quelques hooligans et néonazis qui dédient cette journée du 9 mai à pleurer leurs morts tués par les flics.

Trois cents personnes arrivent ce soir là, à 19 h 30, sur la place et apprennent avec surprise l’annulation de cette manif par les organisateurs.

Le climat qui régnait à Paris ces derniers jours laissait présageait de la suite. Certains se dispersent, mais plus de la moitié restent tout de même sur place, hagards et ne comprenant pas pourquoi les festivités s’arrêtaient déjà.

À 20 heures environ, un mouvement spontané de foule fait route vers Port-Royal, où sont, de sources sûres les quelques fachos, cibles du courroux des manifestants. Direction une souricière. Nous voilà encerclés par les forces de l’ordre. Devant, les gardes mobiles, derrière, des CRS. Et tous embarqués ! À 21 h 30, l’ensemble des manifestants croupit dans un car de flic, ou en est à faire la queue pour une fouille sommaire.

Comme à chaque fois, l’attente est longue dans les cars, l’ambiance n’est pas mauvaise. Aucune rébellion, aucune violence, aucune dégradation ne nous est reprochable. On s’attend donc à un contrôle d’identité classique et une sortie quatre heures après (soit 0 h 30 maximum selon la loi).

Arrivée au commissariat de la rue de Clignancourt. Déjà les menaces fusent : certains condés s’excitent mutuellement et se choisissent des cibles alors que nous sommes en cage. Une quarantaine dans ma cellule, nous sommes séparés sur le critère de nos sexes, la possession ou non de nos papiers.

Minuit. Voilà 3 h 30 que nous sommes incarcérés. Ca devient long et il semble que les poulets ne soient pas prêt à nous laisser sortir. Arrivent les « membres » du dernier car. Les yeux rouges… On apprend que le panier a salade a été vaporisé deux fois de gaz lacrymo, pour faire mieux mariner les quelques manifestants qui y restaient.

Finalement, c’est entre 1 h 30 et 3 h 30 que nous nous voyons sortir. Des flics, en embuscade dans les coins et recoins de la maison Poulaga, en profitent pour foutre mandales et coups de pompes aux « sales gauchistes antidémocrates » que sont certains de nos codétenus. En sortant, je demande l’identité de l’officier qui a décidé de nous garder en cellule de façon illégale plus de quatre heures, abusant par là même de son pouvoir. La réponse est claire et concise : « On en a fini avec vous, dégagez ou on vous dégage. » Et je me vois dans l’instant raccompagné brutalement par un de ses subalternes à l’extérieur du comico.

Devant le commissariat, quelques soutiens et quelques interpellés attendent les derniers prisonniers. Nous sommes légèrement à l’écart du commissariat et attendons patiemment. Mais la patience n’a pas l’air d’être le point fort des bourres qui ne semblant pas apprécier notre présence, nous indiquent un endroit où attendre nos camarades restants : « Descendez au coin de la rue. Vous devriez arriver à le comprendre avec le peu de cervelle que vous avez ! » Nous obtempérons. Ils sont une dizaine, armés, et nous, une petite vingtaine, fatigués.

De nouveau, l’endroit indiqué ne leur convient pas, et là, c’est une trentaine de flics qui sortent du comico, tonfa à l’air. Ils nous demandent de dégager. Au loin, on entend les aboiements d’un chien. Il finissent tout de même par nous pousser eux-mêmes alors que nous quittons l’endroit (sûrement pas assez vite à leur goût). Puis chargent, matraquent à tout va, sans aucune raison. Une personne, venue récupérer quelqu’un qui s’était fait arrêter tombe, c’est le matraquage à terre. Il sera conduit à l’hôpital et aura droit à dix points de suture au crâne. Le chien est là (pauvre bête), chargeant avec les autres fous du tonfa !

Nous sommes alors pourchassés jusqu’au limites de leur arrondissement. Impossible de prendre le noctambus ; ils ont un air satisfait, pendant que nous, au loin, comptons nos ecchymoses. Votre envoyé spécial, quant à lui, est rentré avec un bras en bouillie, des bleus dans le dos et les épaules. Il faut croire qu’il va falloir s’habituer à cet état de fait ! Pétain, reviens, t’as oublié tes chiens !

Karim - groupe Idées noires (FA Paris)

  • Mots-clés : 2 (triés par nom)
  • répression

    Groupe : justice - Rubriques : 108

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