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4 pages fédéral

Campagne international contre les Centres de rétention

Le mercredi 4 novembre 2009

Ce supplément au Monde Libertaire consacré à la question de l’immigration et des centres de rétention administrative (CRA) s’inscrit dans le cadre d’une journée d’action de l’Internationale des Fédérations Anarchistes (IFA) sur ce thème. Durant le mois de novembre des initiatives et des actions auront lieu au Royaume-Uni, en Italie, en France, en Espagne... afin d’affirmer encore et toujours notre opposition à tout enfermement, notamment celui qui consiste à priver de liberté une personne pour le seul fait d’avoir quitté son pays espérant des jours meilleurs dans nos "démocraties". Mais l’Europe et la France sont bien loin d’être des terres d’accueil, munies de leur "centres d’expulsion" (Royaume -Uni), "centres de rétention administrative" (CRA - France) ou "centres d’identification et d’expulsion" (CIE – Italie)... dont le but est bel et bien d’expulser à tout va, de faire du "chiffre", de gérer des mouvements de population. Mieux vaut parler de nombres que de personnes quand l’objectif est de gérer, de réprimer, de se débarasser d’indésirables, sans se préoccuper de leur conditions de vie ici, ni de leur devenir ailleurs ! Voici donc quelques pages pour parler de la réalité des centres de rétention, pour aborder les difficultés et les objectifs des luttes contre ceux-ci, pour apporter un regard international sur un problème mondial : la criminalisation de l’immigration.

Ni Etat ni frontière ! Liberté de circulation et d’installation pour tous et toutes !

Secrétariat Relations Internationales – Fédération Anarchiste

En finir avec l’emprisonnement des immigrés au Royaume Uni

En Angleterre, il a été pénible de voir la détresse des immigrés de Calais, notamment depuis que l’Etat français les a chassés de leur cabanes improvisées, leur retirant jusqu’à leur moyen de subvenir aux besoins les plus élémentaires de nourriture et d’abri. Mais du point de vue britannique, c’est doublement pénible. Même si nous soutenons sans réserve leur droit de rejoindre une terre d’asile et de travailler où ils le souhaitent, nous sommes conscients du terrible traitement qu’ils reçoivent si ils parviennent à rejoindre le Royaume Uni. Les anarchistes britanniques, qui se sont déplacés à Calais afin de faire preuve de solidarité concrète avec les immigrés, n’ont malheureusement pas eu la possibilité de dire « Oui, vous devriez venir au Royaume Uni ! Nous traitons mieux les étrangers ici qu’ils ne le font en France ! ». En Angleterre, la situation instaurée par l’Etat ne nous permet pas de le dire.

Les images des conditions misérables et de la souffrance vécues par les candidats à l’asile qui ont été montrées à la télévision britannique ont au moins eu un effet positif.

Beaucoup de gens ressentent maintenant de la sympathie envers les immigrés. Quelques uns d’entre eux reconnaissent même que si les immigrés préfèrent vivre dans de telles conditions, c’est que celles qu’ils ont fuit en Afghanistan, par exemple, sont bien pires. Les gens devraient réaliser que la distinction entre le « sincère » demandeur d’asile et celui qui immigre pour des raisons économiques est confuse et n’a pas de sens : les gens fuient autant la misère et la faim que l’oppression politique et la guerre (une guerre dont nous sommes d’ailleurs responsables).

Notre capacité en tant qu’anarchistes à entreprendre des actions et à faire preuve de solidarité est limitée par l’existence des centres de rétention.

Calais est un camp de réfugiés installé par les réfugiés eux-mêmes, démontrant l’efficacité de l’aide mutuelle qui y règne.

Comme d’autres camps en Europe, par exemple à Thessaloniki en Grèce, les militants s’investissent et travaillent directement avec les immigrés et les aident à améliorer leur situation.

Mais il n’y a pas de tels camps de réfugiés ici, il y a seulement des prisons. Même leur nom officiel - « centres de rétention » - révèle qu’ils sont uniquement destinés à retirer aux gens leur liberté de mouvement.

Que ce soient des prisons reconverties ou des établissements spécialement construits dans ce but, ils ne disposent pas moins de portes verrouillés, de murs infranchissables et de clôtures, de façon à ce que les détenus ne puissent pas voir à l’extérieur et que les gens de l’extérieur ne puissent pas être témoins de ce qui est infligé aux personnes détenues. Si vous allez voir un centre de rétention, votre instinct sera de grimper sur les hauteurs jusqu’à ce que vous puissiez voir à l’intérieur et établir une sorte de contact avec vos semblables, isolés et punis alors même qu’ils se trouvaient en état de détresse. Si vous allez rendre visite à quelqu’un dans un de ces centres, votre instinct vous poussera à vouloir vous en aller dès que possible, tant l’ambiance qui y règne est oppressante. Les gens sont parqués en cellules, tabassés s’ils se plaignent de la nourriture infecte, exclus des soins médicaux quand ils en ont besoin, et regardent leurs enfants développer lentement certains troubles mentaux à force de ne pas pouvoir courir et jouer. Dans de telles conditions, beaucoup d’adultes deviennent lentement fous eux-mêmes.

Pour certaines personnes, après avoir fait une demande d’asile à la frontière du Royaume Uni, où elles sont fichées par la prise d’empreintes digitales et photographiées, et où leur passeport leur est confisqué, tout ce qu’elles voient du pays auquel elles demandent de l’aide est l’intérieur de cellules et de fourgons de transport entre les « centres d’accueil » tels que celui d’Oakington dans le Cambridgeshire (réputé pour le racisme de son personnel et les mauvais traitements infligés aux personnes détenues), et les « centres d’expulsion » comme ceux de Colnbrook et de Harmondsworth à Heathrow (exploités par des compagnies privées, bien plus motivées par le profit que par un souci d’humanité).

Avant d’être envoyés dans un centre d’expulsion, beaucoup d’immigrés passent quelques temps dans des endroits comme Campsfield House dans le comté d’Oxfordshire, bien connu pour ses conditions déplorables qui ont conduit certains détenus à tenter de mettre fin à leurs jours. La seule forme constructive de protestation est la révolte, l’émeute. Elle attire les hélicoptères des médias qui filment alors les « HELP US ! » (« AIDEZ NOUS ! ») fait avec des draps dans la cour des centres. Tous les détenus sont traités comme des criminels.

Ils sont supposés être coupables de crimes qui ne sont jamais définis ou prouvés.

Une importante forme d’action que les militants britanniques pratiquent est la prise en charge des immigrés dont la demande d’asile a été refusée, en essayant de leur éviter de rester bloqués au premier endroit, le « centre d’accueil ». Quand leur demande d’asile est refusée après leur première demande – ce qui est quasiment toujours le cas – ils sont forcés de s’enregistrer. Il leur est clairement signifié qu’ils n’ont pas le droit de se déplacer et qu’ils sont passibles de détention à n’importe quel moment. Parfois, ils sont mis en détention, sans avertissement, quand ils viennent au bureau d’enregistrement. S’ils ne s’enregistrent pas quand ils sont supposés le faire, ils risquent de se voir arrêtés directement à domicile. Ceux dont le dossier empire parce qu’ils n’ont pas les moyens de payer un bon avocat pour plaider en leur faveur doivent choisir entre devenir clandestins ou risquer à tout instant une arrestation et une mise en détention.

Une fois qu’ils sont placés en détention, il est bien entendu beaucoup plus facile d’expulser les demandeurs d’asile. Ils sont alors fréquemment déplacés aux quatre coins du pays, rendant le soutien de leur famille et de leur communauté d’autant plus difficile. Ceux qui ont un soutien extérieur sont parfois capables de se faire libérer sous caution. Mais pas toujours. Et ceux qui ont été détenus pendant des mois n’ont pas toujours assez d’aide extérieure ou alors ne connaissent pas quelqu’un pouvant se porter caution.

Même si les scènes terribles de Calais touchent dans une certaine mesure l’opinion publique britannique, rien ne changera pour les immigrés arrivant ici sans un soutien de la communauté et une opposition à l’Etat. L’Etat ne se soucie pas de l’opinion publique, excepté au moment des élections. Les anarchistes et les militants No Border proposent ici une aide directe et concrète en aidant les demandeurs d’asile risquant la détention, mais également en menant des actions directes dans les camps de réfugiés. En même temps que nous écrivons, nous récoltons des fonds et envoyons des personnes à Calais pour venir en aide aux victimes de cette crise humanitaire causée par l’Etat français. Nous remercions vivement les camarades français pour le soutien dont ils font preuve envers les immigrés en essayant de les faire passer au Royaume Uni. Mais nous restons tout de même soucieux pour ceux, suffisamment « chanceux », ayant réussi à passer. Nous oeuvrons pour un monde sans frontières, sans compromis, jusqu’à ce que chacun soit libre.

Pas de frontières, pas d’Etats ! Mettons fin aux détentions et aux expulsions.

Fédération anarchiste bitannique


Comment l’Europe forteresse érige ses bastions
Nouvelles de l’Italie

La « loi sur la sécurité Maroni », du nom du ministre de la Ligue Nord qui l’a proposée, a été adoptée le 2 juillet en Italie. Une loi qui marque une continuité avec les précédents gouvernements de gauche et de droite et identifie les politiques liées au monde de l’immigration et du contrôle social : des politiques qui cherchent à augmenter la répression et les pratiques autoritaires envers les immigrés ainsi que tous les autres. Aux besoins sociaux concrets, causés par la crise économique mondiale, par les taux de chômage et les flux de migrants en croissance continue, le gouvernement répond par la militarisation du territoire et par une conception politique qui renforce le développement du travail au noir et la restructuration sauvage du système économique.

Cette loi comprend deux parties, à savoir :

- la première partie de cette loi est composée d’un ensemble de règles qui accroit la persécution des immigrés ; les points principaux sont la création du délit de clandestinité (un crime qui est donc lié à un état et non à un acte réalisé) ; l’augmentation de la durée de détention dans le CIE (Centres d’Identification et d’Expulsion) jusqu’à six mois pour les immigrés clandestins ; le permis de séjour, strictement en liaison avec le travail et qui crée donc des travailleurs facilement soumis à un chantage ; la création d’un registre spécial pour les citoyens sans domicile fixe, l’impossibilité de célébrer des mariages mixtes entre italien et non-UE sans permis de séjour et l’exclusion des immigrés illégaux et de leurs enfants de l’utilisation de services publics comme l’éducation et la santé.

- la deuxième partie réintroduit le crime d’outrage à un agent de la fonction publique, laisse les mains libres pour « les forces de l’ordre » de réprimer impunément chacun (qui n’est plus légitime de résister, même en cas d’abus), et permet la formation de soi-disant “ronde”, escadrons de la mémoire fasciste composés de personnes qui contrôlent la ville comme un shérif du far west, pour assurer la sécurité et une lutte sans quartier contre la criminalité.

Dans cette situation difficile où des lois liberticides limitent quotidiennement l’espace et l’action pour la lutte sociale, la FAI, Fédération anarchiste italienne, réunie en conférence les 5 et 6 septembre 2009, organise sur tout le territoire italien une journée de protestations et de luttes au niveau local, le 14 Novembre, dans le cadre de la journée d’action organisée par l’IFA comme journée internationale de lutte contre les CIE et les politiques racistes et sécuritaires des Etats.

Stop aux interdictions et aux politiques autoritaires des Etats, construisons-nous un avenir sans Etat ni frontière, pour la solidarité et contre le racisme, où tout le monde puisse se déplacer, se rencontrer et s’exprimer.

« Notre patrie c’est le monde entier » 1

Comité de relations internationales de la Fédération anarchiste italienne

1. Refrain d’une vieille chansons anarchiste italienne écrit par Pietro Gori


Sur le front des luttes contre les CRA : Interview de Pierre, militant de la Fédération anarchiste

ML :Tu as été pas mal impliqué dans les luttes de sanspapiers depuis quelques années. Ces luttes ont beaucoup eu lieu autour des centres de rétention administrative (CRA) de la région parisienne. Peux-tu nous expliquer ce qu’il s’est passé ?

Pierre : En fait, tout est parti de l’intérieur des CRA. Depuis longtemps, une volonté existait de reprendre les luttes autour des CRA ; quelques initiatives avaient lieu sporadiquement : un feu d’artifice le 31 janvier 2006, deux ou trois rassemblements... mais rien de bien sérieux. Et puis en 2006, en décembre, on apprend qu’un mouvement de protestation a démarré au CRA de Mesnil Amelot (à côté de l’aéroport de Roissy).

Grève de la faim, refus de comptage, refus de réintégrer les chambres. La réponse de la direction a été rapide : répression et transfert des « meneurs » au CRA de Vincennes. Ce qu’ils n’avaient pas prévu, c’est que le mouvement allait s’étendre à Vincennes et que là, il ne s’arrêterait plus. Une des premières missions de ce qui allait devenir le collectif contre la rétention, a été de récupérer les infos de l’intérieur du centre et de les transmettre. Des camarades appelaient quotidiennement le centre, on y faisait des visites régulières ...

C’est comme ça que ça a commencé.

ML : Toi et d’autres personnes de la FA avez côtoyé, dans cette lutte, à la fois les sans-papiers et d’autres forces politiques. Quelles ont été les relations avec les uns et les autres ?

P. : Au cours de ce mouvement, le collectif à l’origine de la lutte à l’extérieur, c’est l’ancien réseau contre les rafles (il existe encore un peu d’ailleurs). Ce réseau là regroupait des gens de collectifs de sans papiers, des anciens du CAE, des gens du RESF, moi ... on se connaissait tous, donc les contacts se passaient et se passent toujours bien. On se connaissait déjà depuis pas mal de temps et puis on avait l’habitude de travailler ensemble. Avec les organisations plus officielles genre l’UCIJ on n’avait que des contacts assez froids, pour eux on était des « totos » (des autonomes, ndlr).

ML : Est-ce que ce genre de lutte a créé des liens particuliers ?

P. : Oui, mais comme toutes les luttes non ?

ML : Les luttes autour des centres de rétention, en cherchant par exemple à montrer aux enfermés la solidarité des gens de l’extérieur, est de plus en plus difficile. Peux tu nous en parler ?

P. : Prenons un exemple concret, avec le CRA de Vincennes : c’était facile. Les manifestations ramenaient du monde (jusqu’à trois mille personnes) les médias en parlaient, et la police maitrisait très mal le terrain. On pouvait donc assez facilement contourner le dispositif policier pour faire des parloirs sauvages, parce que l’idée c’était quand même ça. On savait que les parloirs sauvages, ça motivait les camarades qui, eux, menaient une lutte beaucoup plus dure à l’ intérieur du centre, puisque la répression policière était très violente. Mais au fur et à mesure, on était de moins en moins nombreux, et la police commençait à bien connaître l’endroit. On n’arrivait plus à les contourner et à prendre contact avec les retenus.

Alors on a essayé de se diversifier : on a organisé un grand concert avec Keny Arkana et Kalash devant le CRA, on a perturbé la soirée électorale de la mairie du 12ème (le CRA dépend de cette mairie), mais ça n’a pas très bien marché.

Jusqu’à ce que le CRA de Vincennes ne brûle. Et ça, je me souviens : personne n’y croyait. On était médusé. On a fait encore une belle manif le jour de la réouverture du centre (on a bloqué l’autoroute en contrebas !) et puis après c’était fini : il n’y avait plus personne et on ne pouvait plus s’approcher du centre (la dernière fois, il y avait même un hélicoptère !). Le truc, c’est qu’on s’est « enfermé » sur Vincennes et qu’on n’a jamais pu en sortir. Du coup, quand on s’est rendu compte que ca ne marchait plus, on n’a plus su quoi faire.

ML : La lutte des sans-papiers est difficile, de longue haleine, et épuisante. Bien souvent, cela devient de l’assistance juridique pour aider les sans-papiers auprès des préfectures. Comment les anarchistes se positionnent par rapport à ça ?

P. : Faire du soutien juridique, moi, je suis contre à l’heure actuelle ; on n’est pas nombreux et les collectifs de sans papiers le font très bien eux-mêmes. Qui plus est, il y a des associations de spécialistes. Nous, notre travail doit être politique : nous devons soutenir les luttes politiques. Manifs, actions, grèves de sans papiers, et relayer les informations grâce à nos médias (ce que nous avons surtout très bien fait jusqu’à maintenant à Radio Libertaire). S’impliquer en tant qu’organisation dans les luttes et les collectifs, et y diffuser nos pratiques. Nous devons aussi chercher de nouveaux axes de luttes parce qu’actuellement, c’est l’impasse.

ML : Avec tes camarades, tu soutiens les sans-papiers pour qu’il puissent vivre en paix ici, sans être traqués, précarisés, arrêtés. Cela passe par leur régularisation, donc l’obtention de papiers. Comment vis-tu cela alors que les anarchistes sont, par principe, opposés à tout papier, à toute frontière ? Est-ce une concession à du réformisme ?

P. : Si tu soutiens des ouvriers en grève pour un meilleur salaire, c’est du réformisme. Si tu luttes contre la construction d’une prison aussi. Si tu demandes le retrait d’un projet comme le CPE, pareil. Toutes les luttes sont finalement réformistes : la question c’est de savoir quels discours et pratiques révolutionnaires tu y places et comment tu les diffuses. La « pureté idéologique » n’est souvent qu’un prétexte à l’inaction.

ML : Gauche, droite, les expulsions continuent, d’un régime à l’autre. Comment vois-tu l’avenir de ces luttes ? Devons-nous gardez le pessimisme pour des jours meilleurs ?

P. : Quoiqu’il en soit, nous devons rester présents sur ces pratiques de luttes. Après, je pense aussi que nous devons chercher de nouveaux axes et de nouvelles pratiques pour mieux les développer, et un jour peut-être renverser la vapeur ...

  • Mots-clés : 1 (triés par nom)
  • sans-papiers

    Groupe : discrimination - Rubriques : 19

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