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Soumission à l’autorité

Projection-débat

Le vendredi 2 juin 2006

Recueil de textes distribué lors de la projection-débat "Soumission à l’autorité".

(Cliquez sur l’icône en-dessous du texte pour voir le texte tel que nous l’avons diffusé)

Le cri d’Edvard Munch

SOUMISSION A L’AUTORITE

Projection-débat organisée le 8 décembre 2005 par le groupe de Strasbourg de la Fédération anarchiste

TEXTES à l’APPUI

Je suggère en outre que la culture bureaucratique, qui nous incite à
considérer la société comme un objet d’administration, un ensemble de « problèmes »
à résoudre, une « nature »à contrôler, à « maîtriser », à « améliorer » ou même à
refaire totalement, comme un objet légitime de « manipulation des structures sociales
 » et, globalement, comme un jardin à dessiner et maintenir à tout prix dans le schéma
décidé (l’attitude jardinière divise la végétation en « plantes cultivées » dont il faut
prendre soin et mauvaises herbes qu’il faut extirper), constituait l’atmosphère idéale
pour concevoir l’idée de l’holocauste, la développer lentement mais sûrement et
finalement la mener à son terme. Je suggère enfin que c’est l’esprit de rationalité instrumentale, avec sa
forme bureaucratique moderne institutionnelle, qui rendit les solutions de type holocauste non
seulement possibles mais éminemment « raisonnables » et augmenta la probabilité de leur choix. Cet
accroissement de la probabilité a un lien plus que fortuit avec la capacité de la bureaucratie moderne à
coordonner l’action d’un grand nombre d’individus d’une moralité irréprochable dans la poursuite de
n’importe quel but, même immoral.

Zygmunt Bauman, Modernité et holocauste, La fabrique éditions 2002


Ceux qui n’ont pas participé au système et que la majorité a qualifié
d’irresponsables sont les seuls individus qui aient osé juger par eux-mêmes, et ils ont
été en mesure de le faire non pas parce qu’ils possédaient un meilleur système de
valeurs ou que les anciennes normes du bien et du mal demeuraient solidement
ancrées dans leur esprit et dans leur conscience. La raison en est, selon moi, que leur
conscience ne fonctionnait pas sur un mode pour ainsi dire automatique, comme si
nous disposions d’un ensemble de règles, acquises ou innées, que nous appliquons
ensuite au cas particulier lorsque celui-ci survient. Ils usaient, selon moi, d’un tout autre critère : ils se
demandaient dans quelle mesure ils pourraient encore vivre en paix avec eux-mêmes après avoir
commis certaines actions ; et ils ont décidé qu’il était préférable de ne rien faire, non pas parce qu’ils
rendraient ainsi le monde meilleur, mais parce que c’est à cette seule condition qu’ils pourraient
continuer à vivre en leur propre compagnie. Ils ont également choisi de mourir lorsqu’on les a obligés
à participer. Pour le dire de manière brutale, s’ils ont refusé de commettre des meurtres, ce n’est pas
tant qu’ils tenaient à observer le commandement "Tu ne tueras point", mais c’est qu’ils n’étaient pas
disposés à vivre avec un assassin : leur propre personne.

Hannah Arendt, Penser l’événement, recueil d’articles des années 1950, Belin, 2001.


On doit se souvenir que la plupart des participants au génocide ne tirèrent
jamais sur des enfants juifs ni ne versèrent le gaz dans les chambres à gaz... La
plupart des bureaucrates rédigeaient des circulaires, concevaient des projets,
s’entretenaient au téléphone et assistaient à des conférences. Ils pouvaient annihiler
tout un peuple en restant assis à leur bureau.

Hillberg, La Destruction des Juifs d’Europe, Folio.


Nous sommes dans une crise généralisée de tous les milieux d’enfermement,
prison, hôpital, usine, école, famille. La famille est un « intérieur », en crise comme
tout autre intérieur, scolaire, professionnel, etc. Les ministres compétents n’ont cessé
d’annoncer des réformes supposées nécessaires. Réformer l’école, réformer l’industrie,
l’hôpital, l’armée, la prison ; mais chacun sait que ces institutions sont finies, à plus ou
moins longue échéance. Il s’agit seulement de gérer leur agonie et d’occuper les gens,
jusqu’à l’installation de nouvelles forces qui frappent à la porte. Ce sont les sociétés
de contrôle qui sont en train de remplacer les sociétés disciplinaires. « Contrôle », c’est
le nom que Burroughs propose pour désigner le nouveau monstre, et que Foucault reconnaît comme
notre proche avenir. [...] Il n’y a pas lieu de craindre ou d’espérer, mais de chercher de nouvelles
armes.

Gilles Deleuze, Pourparlers, Editions de Minuit, 2003 _________________________________________________________

La soumission à l’autorité est un trait constant et prédominant de la condition humaine.
Comment l’expliquer ?
A cette heure, plusieurs centaines de personnes ont participé à notre
expérience sur l’obéissance et nous avons été témoins d’un niveau de soumission
véritablement alarmant. Avec une stupéfiante régularité, de braves gens se sont pliés
sous nos yeux à toutes les exigences de l’autorité et ont accompli des actes d’une
cruauté incroyable. Le prestige de l’autorité, la limitation de leur champ de
perception, l’acceptation aveugle de la situation telle qu’elle a été définie par
l’expérimentateur, ont suffi pour amener des citoyens honnêtes et conscients de leurs
responsabilités dans la vie quotidienne à se conduire en bourreaux. [...]

[...]L’idée de la science et la reconnaissance de son utilité en tant qu’entreprise sociale
légitime fournissent à l’expérience la justification de l’idéologie dominante. Les affaires, l’église, le
gouvernement, l’enseignement représentent autant de domaines normaux de l’activité humaine qui,
d’une part, sont légitimés par les valeurs et les besoins de la société et, d’autre part, sont acceptés par le
citoyen type comme inhérents au monde où il est né et où il vit..

[...]Pour qu’un homme se sente responsable de ses actes, il doit avoir conscience que son
comportement lui a été dicté par son « moi profond ». Dans la situation de laboratoire, nos sujets ont
précisément un point de vue opposé : ils imputent leurs actions à une autre personne. Ils nous ont
souvent dit au cours de nos expériences : « S’il ne s’en était tenu qu’à moi, jamais je n’aurais administré
de chocs à l’élève. »

[...]Considérons un individu qui, dans la vie quotidienne, est doux et bienveillant. Même dans
ses accès de colère, il ne se livre pas à des voies de fait sur ceux qui l’ont irrité. S’il doit corriger un
enfant coupable de quelque sottise, il y répugne à tel point qu’il se sent physiquement incapable de lui
donner une gifle et il finit par y renoncer. Pourtant, quand ce même homme est appelé sous les
drapeaux et qu’il reçoit l’ordre de bombarder des populations, il s’exécute. Cet acte n’a pas pour origine
son propre système de motivations, il n’est donc pas réfréné par les forces inhibitrices de son
psychisme personnel.

Stanley Milgram, Soumission a l’autorité, Calmann-Lévy, 1974.


La critique de l’ordre parental, pour prendre un exemple plus quotidien,
quand celui-ci exprime l’aliénation capitaliste à l’intérieur de la cellule familiale -
cellule de reproduction de l’aliénation et d’apprentissage de la soumission à l’ordre
social -, fait partie des éléments constitutifs de formation de l’individu autonome en
rupture. Elle participe de la prise de parole individuelle pour apprendre à s’exprimer
en son nom propre, et cesser de parler dans le langage de l’autorité pour
n’exprimer, finalement, que les idées de sa propre soumission.

Barthélémy Schwartz, La poésie, pour quoi faire ? Réfractions N° 11


ACTUALITE

Loi no 55-385 du 3 avril 1955 instituant un état d’urgence

Art. 10. - La déclaration de l’état d’urgence s’ajoute aux cas visés à
l’article 1er de la loi du 11 juillet 1938 sur l’organisation générale de la Nation pour le
temps de guerre pour la mise à exécution de tout ou partie des dispositions de ladite
loi en vue de pourvoir aux besoins résultant de circonstances prévues à l’article 1er.

Art. 11. - Le décret déclarant ou la loi prorogeant l’état d’urgence
peuvent, par une disposition expresse :
1o Conférer aux autorités administratives visées à l’article 8 le pouvoir
d’ordonner des perquisitions à domicile de jour et de nuit ;
2o Habiliter les mêmes autorités à prendre toutes mesures pour assurer le contrôle de la
presse et des publications de toute nature ainsi que celui des émissions radiophoniques, des projections
cinématographiques et des représentations théâtrales

Art. 12. - Lorsque l’état d’urgence est institué, dans tout ou partie d’un département, un
décret pris sur le rapport du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre de la défense
nationale, peut autoriser la juridiction militaire à se saisir de crimes, ainsi que des délits qui leur sont
connexes, relevant de la cour d’assises de ce département.
La juridiction de droit commun reste saisie tant que l’autorité militaire ne revendique pas la
poursuite et, dans tous les cas, jusqu’à l’ordonnance prévue à l’article 133 du code d’instruction
criminelle. Si, postérieurement à cette ordonnance, l’autorité militaire compétente pour saisir la
juridiction militaire revendique cette poursuite, la procédure se trouve, nonobstant les dispositions de
l’article 24, dernier alinéa, du code de justice militaire, portée de plein droit soit devant la chambre des
mises en accusation prévue par l’article 68 du code de justice militaire, lorsque la chambre d’accusation
saisie n’a pas encore rendu son arrêt, soit devant la juridiction militaire compétente ratione loci,
lorsqu’un arrêt de renvoi a été rendu. Dans ce dernier cas, les dispositions de l’alinéa ci-après sont
applicables, et il n’y a pas lieu, pour la Cour de cassation, de statuer avant le jugement sur les pourvois
qui ont pu être formés contre cet arrêt. Le tribunal militaire est constitué et statue, dans les conditions
fixées aux deux derniers alinéas de l’article 10 du code de justice militaire.


Refus d’obéissance

A l’E.D.F.

NOËL H. n’a pas d’idéologie, juste des principes. C’est en leur nom, dit-il,
qu’il a désobéi, le 13 juillet, à sa direction. Agent d’EDF à Villeneuvela- Garenne
(Hauts-de-Seine), il a refusé d’effectuer les coupures d’électricité pour défaut de
paiement qui lui étaient commandées.
L’acte d’insubordination le laisse sous le coup d’une procédure disciplinaire
qui doit aboutir avant le 3 octobre.
Le mercredi 13 juillet, donc, Noël H. est chargé, avec trois collègues, de s’occuper des
mauvais payeurs. Sauf que campe ce jour-là, devant l’agence, une association de chômeurs qui milite
pour le droit à l’électricité. Les manifestants ont négocié avec les responsables du centre : ils laisseront
sortir les agents si promesse est faite de ne pas procéder à des coupures ce jour-là. Noël H. se voit en
conséquence confier une simple tournée de relève des compteurs. Il montre son planning, donne des
assurances aux protestataires qui le laissent passer.

Une fois franchi le barrage, l’agent est appelé sur son portable et convoqué sur un parking
riverain. Là, un membre de la direction lui remet des bons de coupure. « J’ai eu du mal à encaisser
cette tromperie. Je trahissais ma parole, explique l’agent. Alors j’ai fait ce que ma conscience me
dictait. Je me suis déplacé auprès des gens, mais je n’ai pas effectué l’acte technique. Je les ai
simplement prévenus qu’ils devaient payer. Je suis revenu à l’agence et j’ai indiqué sur le compte
rendu informatique que j’avais effectué le travail.
Je ne regrette rien. Je n’aime pas l’injustice. » Un contrôle impromptu - « Ils ont dû sentir
mes réticences » - permet de dévoiler la réalité. Une procédure est alors engagée pour, selon la
direction, « non-respect des conditions d’exercice du salarié concerné et des procédures internes ». La
sanction peut aller du simple avertissement à la révocation, même si l’entreprise n’en est pas
coutumière.

Selon la CGT, ce serait la première fois qu’un salarié serait sanctionné pour avoir refusé
d’effectuer des coupures. La direction se refuse à tout commentaire sur ce point.

Certains employés plus engagés que Noël H. sont toutefois tentés de sortir de la légalité,
devant ce qu’ils estiment être un raidissement des relations hiérarchiques et un durcissement des règles
sociales.

Un mouvement interne, se baptisant « Robin des Bois », a ainsi entrepris de rétablir le
courant chez certaines familles en difficulté. Il promet de multiplier les actions cet hiver.

Le Monde | 30.09.05


André Bernard devant ses juges

Le 24 mai, notre ami André Bernard comparaissait devant le tribunal
militaire de Bordeaux. Nos lecteurs connaissent les faits. Il y a quelques années,
au lieu de répondre à la convocation du conseil de révision, André, qui avait déjà
pris sa décision, choisissait la liberté. Quelques mois plus tard, il écrivait au
ministre de la guerre :
« Je me réclame d’un idéal socialiste libertaire non violent et internationaliste. Je ne
reconnais à personne, ni à l’État, le droit de disposer de moi ; je veux travailler pour un monde de
justice, de fraternité et de libre conscience ».
André a tenu parole. Dans ses années d’exil, sur les chantiers du SCI, il a effectivement
travaillé pour un monde de justice et de fraternité. Puis, il a décidé de rentrer et de se mettre à la
disposition des autorités pour effectuer un service civil en Algérie. Il savait, lui qui avait une situation
raisonnable en Belgique, que c’est la prison qui l’attendait.

Il n’a pas reculé. Le président du tribunal a bien essayé de mettre André dans l’embarras, en
prétextant l’impossibilité pour l’homme, de vivre totalement libre, puisque, disait-il, l’autorité est
nécessaire pour organiser le monde. Peine perdue !
Avec le courage tranquille de ceux qui sont en accord avec leur conscience, André a
réaffirmé ses convictions libertaires et pacifistes. Il l’a fait sans orgueil, très simplement, mais avec
une telle sincérité qu’il faut être juge et militaire pour ne pas se laisser émouvoir.

Le tribunal a jugé : 1 an de prison avec sursis. Le sursis, à condition qu’André fasse son
service militaire ! Autant dire que cette mesure qui parait clémente, ne l’est pas, puisque nous savons
bien, nous qui le connaissons, qu’André ne reculera pas.
Avec un grand sourire pour tous les copains qui étaient dans la salle, André a écouté le
verdict...

Les anarchistes ne se contentent pas de promesses et les motions de congrès ne doivent pas,
comme chez les politiciens, rester lettre morte. Il faut lutter ! Lutter sans trêve ni repos, pour briser les
barreaux des prisons, pour mettre bas la bête militariste, pour qu’André et tant d’autres nous
reviennent, afin de travailler à un monde de justice, de fraternité et de libre conscience.

Joachim Monde, Libertaire juin 1961.


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