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Allemagne

La ville de Pforzheim face à son passé : de la culpabilité à la victimisation

Le mercredi 27 février 2008

Il y a 63 ans, la ville de Pforzheim dans le Bade-Wurtemberg, près de la frontière française, a subi d’importants bombardements de la part des forces alliées qui ont pris la ville pour cible en raison des usines d’armement qui s’y trouvaient. Depuis quelques années, les nazis organisent chaque année une commémoration au flambeau sur une colline surplombant la ville. Non seulement la municipalité autorise sans problème ces rassemblements, mais de plus, même si elle ne va pas jusqu’à parler comme les nazis des « innocentes victimes des crimes de guerres alliés », elle organise elle aussi des commémorations annuelles, de plus en plus importantes.

Ce n’est pas un cas isolé : dans la dernière décennie, les commémorations à la mémoire des victimes des bombardements alliés se sont multipliées en Allemagne, l’exemple le plus célèbre étant celui de la ville de Dresde. L’idée se répand peu à peu que le pays, ayant appris la leçon de ses erreurs, ne retombera jamais dans le fascisme : on peut alors réécrire l’Histoire par une subtile décontextualisation qui permet d’oublier le rôle joué par une ville dans l’effort de guerre nazi, pour ne retenir que les innocentes victimes de la machine de guerre alliée. On en arrive alors à un renversement des rôles qui touche au révisionnisme, dans lequel l’Allemagne, dégagée de toute responsabilté, n’est plus qu’une victime des agresseurs alliés.

La campagne antifasciste se heurte à l’hostilité de la municipalité

En 2002, les antifascistes avaient réussi à empêcher la retraite au flambeau organisée par les nazis. Mais depuis cette date, les mobilisations antifascistes avaient connu peu de succès et se sont heurtées à la répression des autorités locales.

En effet, peu importe que les nazis pratiquent le révisionnisme et propagent leurs idées racistes pourvu que ce soit dans le cadre légal et qu’ils se regroupent à l’écart de la ville, évitant ainsi d’écorner l’image de Pforzheim. Au contraire, pour la municipalité, ce sont les autonomes qui posent problème, à la fois en dénonçant l’activité des nazis et en critiquant sévèrement la politique de victimisation entreprise par la ville. En mettant le doigt là où ça fait mal, tout au long de ces dernières années les antifascistes se sont vus confrontés à la répression.

Face à cette situation et pour donner plus de poids à la mobilisation, la coordination antifasciste du Bade-Wurtemberg a lancé une campagne avec différentes soirées d’information pour dénoncer la réécriture de l’histoire et toute forme de révisionnisme. Mais en ce qui concerne les activités prévues le jour de la commémoration, les antifascistes se sont heurtés aux autorités locales. Tout d’abord, afin de contrer la commémoration des nazis sur leur fameuse colline, les antifas ont déposé un rassemblement sur le même lieu avant les militants d’extrême droite. Mais la municipalité a décidé d’accorder une priorité aux nazis sous prétexte qu’ils avaient établis une sorte de « tradition » qui leur a finalement permis d’obtenir le lieu. De la même manière, la ville à décidé d’interdire le concert antifasciste qui devait faire suite à la manifestation. Enfin le parcours de la manif a été réduit de façon considérable au dernier moment, avec l’interdiction de s’approcher de la partie de la ville où se trouve la colline.

La manifestation du 23 février

Dès le matin, un chapiteau a été dressé sur le Marktplatz où les passants pouvaient venir s’informer sur la mobilisation et vers midi une cuisine autogérée à distribué des repas. Avant la manifestation, la police a procédé à de nombreux contrôles que ce soit sur le réseau routier ou dans les gares. A la gare de Pforzheim, quelques cent cinquante militants autonomes étaient attendus à la descente du train par des policiers avec des chiens qui les ont encerclés dans le tunnel passant sous les voies, afin de les fouiller un à un.

Vers 16h30, la manifestation rassemblant environ 600 personnes a commencé en empruntant les rues commerçantes du centre-ville aux cris de « Rendons la rue aux nazis pierre par pierre ». Pour protester contre la diminution du parcours, des feux d’artifice ont été lancés sur les policiers. A la dissolution, un cortège spontané d’environ 300 personnes s’est formé et s’est dirigé très rapidement jusqu’à la colline où se rassemblaient les nazis. Mais la forte présence policière a rendu toute tentative de forcer le passage impossible. Après quelques coups de matraque et une tentative d’encerclement, les militants se sont redirigés vers la gare.

En définitive, cette manifestation qui a rassemblé 600 personnes peut être considérée comme un succès, elle a permis de marquer clairement le refus de tout révisionnisme, d’alerter les habitants de Pforzheim concernant l’attitude de la ville, et de modifier le rapport de force pour les années à venir.

Chaolynx


Pour en savoir plus : Bündnis Kritik und Aktion | Aabw | indymedia.de

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